Si vous n’avez pas encore entendu parler du Festival International des Textiles extra-ordinaires, c’est le moment idéal. Il s’est tenu toute la semaine dernière à Clermont-Ferrand. Il est unique en son genre, car il n’existe pas d’autre manifestation de ce type consacrée au textile. Plusieurs expositions seront visibles jusqu’en octobre et en janvier.
Créé en 2012, il prend ses marques tous les deux ans en Auvergne avant de s’exporter l’année suivante dans un pays partenaire de l’évènement. Le thème de cette année est Déviation et le pays retenu pour 2019 est la Roumanie. Cette seconde version sera enrichie par des travaux en collaboration entre Clermont et les artistes roumains retenus toute cette année. Loin d’être une juxtaposition, il s’agit d’agrémenter ce deuxième volet.
Ce festival réunit des artistes, des créateurs textiles, des photographes et des collectifs locaux. Son point central est le musée Bargoin, avec une exposition qui lie objets patrimoniaux et créations contemporaines autour d’une réflexion bien articulée.
Mais le festival se diffuse aussi dans la ville pour toucher tous les publics : spécialistes et habitants. Il essaime à travers différents lieux : le conservatoire de musique avec des travaux sur les codes du wax et leur réinterprétation par les étudiants, avec les travaux conjoints de deux écoles d’art. Dans la chapelle de l’ancien hôpital général, l’ENSATT de Lyon, en conception costume, s’intéresse au détournement du corps, un travail sur la fragilité.
Dans la rue le collectif Outrage de dames avec Paule Kingleur et le Flax café ont fait naître des coraux sur les façades noires et blanches de la ville, des patchwork de laine autour des arbres, faisant de la ville une oeuvre gigantesque. Le résultat est très réussi, les couleurs vives mettant en valeur l’architecture de la ville.
Jusque début-octobre il est possible d’admirer, à Notre Dame du Port, l’oeuvre de cette artiste japonaise. Constituée d’une multitude de pétales allant du blanc en passant par différentes nuances d’indigo, elle occupe toute la nef avec légèreté. Amour et indigo se prononcent de la même manière en japonais, d’où le titre.
C’est le clou du festival. Elle exploite le détournement aux travers d’oeuvres fortes autour du textile à travers 4 thèmes : la transgression, la circulation, la collision et la transcendance.
Une très courte sélection en image vous donnera une idée (même si on peut y passer beaucoup de temps tant le contenu et la scénographie sont intéressants).
La pièce phare de l’exposition est celle de Jérémy Gobet. Cet artiste explique que pour un projet comme celui-ci il est primordial pour lui de s’intéresser à la matière et aux techniques locales pour les faire revivre. Il a travaillé avec la SCOP Fontanille. Cette usine de dentelle et de ruban, reprise par ses salariés, a su se renouveler (par exemple les genouillères de l’équipe de France). Il y a un vrai travail de continuité et d’innovation. Leur spécialité était le point d’esprit. Jérémy Gobet travaille conjointement sur l’art et la science. Il est parti de ce point de broderie pour le rapprocher du squelette du corail. Il a trouvé de nombreuses similitudes. Pour que le corail se fixe sur un support, celui-ci doit être biodégradable (le coton), souple et non opaque. Les machines de production ont été améliorées pour fabriquer des lés et non des bandes de dentelle comme c’était le cas avant. Corail artefact a aussi une dimension industrielle et scientifique car un brevet a été déposé. Quatre points de broderies sont maintenant utilisés pour s’adapter aux espèces de coraux. Enfin en 2021 le textile sera réellement déposé sur la barrière de corail. Cette oeuvre est donc à la fois artistique, mais aussi scientifique, économique et sociale : une vraie réussite.
Pour montrer le savoir-faire de cette usine, Jérémy Gobet a rempli la salle de ses archives d’échantillons de broderies. L’ancien propriétaire avait commencé à jeter cet incroyable trésor technique… Les échantillons sont présentés avec des coraux complétés de l’artiste, avec par exemple des chevilles en plastique pour réparer le vivant.
Toutes les informations sont à retrouver sur http://fite.hs-projets.com/
Exposition au musée Bargoin jusqu’au 6 janvier 2019
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