1971, la collection du scandale pour Yves Saint Laurent

Posté le 19 mars 2015 dans 19 mars 2015 dans Billets

Paris n’en finit pas de présenter des expositions innovantes en matière de mode. Après Jeanne Lanvin la semaine dernière, Olivier Saillard s’associe à la fondation Pierre Bergé Yves Saint Laurent pour revenir sur une collection particulière dans la vie de cette maison de couture.

Pourquoi faire un focus sur 1971 ?

 

En 1971, Yves Saint Laurent a ouvert sa maison depuis 10 ans. Il bouscule déjà régulièrement la mode avec par exemple le caban ou la saharienne hissés au rang de la couture. Sur cette collection du Printemps Eté 1971, il va plus loin. Il s’inspire directement de l’esthétique de la mode des années 40. On retrouve des détails caractéristiques : épaules carrées et larges, jupes au genou, chaussures aux semelles compensées.

Cette collection sera très mal perçue. Elle renvoie trop de mauvais souvenirs à ces contemporains. La population qui a vécu la guerre de 39-45 est la même qui observe cette mode. Le défilé (avec seulement 6 mannequins) provoqua une certaine aversion. Les journaux, en particulier en France et aux Etats Unis furent incendiaires. Et commercialement la collection se vendit très peu. Pourtant elle fut déterminante. Elle relia la haute couture à l’esthétique de la rue, elle abolit symboliquement la frontière entre les deux. Jusqu’à présent les deux entités étaient bien distinctes.

Même si elle peine à se vendre cette mode sera adoptée par nombres de jeunes filles qui recréent des silhouettes quarante en chinant aux puces.

L’exposition

J’ai eu un gros coup de cœur sur la scénographie. C’est Nathalie Crinière, agence NC qui l’a réalisé. L’espace en courbes et contres-courbes se décline en noir et blanc. Noir pour les photos, les installations vidéos et les vitrines, blanc pour les vêtements. En fait ça n’est pas exactement blanc, c’est quadrillé, comme les feuilles à petits carreaux utilisées par Yves Saint Laurent. Les murs ont été recouverts des planches de collection de cette saison précise. Il y avait en tout 84 modèles. L’exposition présente 28 pièces de ce défilé. Les vêtements sont disposés devant leur dessin, comme un puzzle inachevé ou un fil conducteur. Les échantillons de tissus liés aux modèles ont aussi été numérisés et l’effet est saisissant.

Scénographie, planche de collection photo © De fil en archive

Scénographie, planche de collection photo © De fil en archive

Deux installations d’écrans tactiles permettent de parcourir les coupures de presse ainsi que d’autres archives. C’est assez efficace pour capter l’attention du visiteur.

Ecran numérique d'archives de presse  photo © De fil en archive

Ecran numérique d’archives de presse
photo © De fil en archive

Rendre l’effervescence de la collection

 

Au delà, de la collection, les documents présentés permettent de rendre compte des documents qui entourent la création d’une collection de haute-couture. On trouve bien sûr le croquis original mais aussi d’autres élements moins connus comme l’empreinte originale pour l’impression sur étoffe qui est la genèse d’un motif de tissu ou encore la fiche d’atelier, ou bible, puis les photos pendant le défilé, ou après qui constitueront des look books pour les clientes entre autre… Tous ces éléments montrent en filigrane la genèse du vêtement.

photo © De fil en archive

photo © De fil en archive

La fondation a édité un feuillet d’aide à la visite qui récapitule de manière très didactique l’intérêt de chaque document. Les films du défilé ou des journaux télévisés de l’époque permettent aussi de se rendre compte du vêtement en mouvement, porté et atténuent un peu à mon sens ce parfum de scandale. C’est à cette époque qu’Yves Saint Laurent rencontre Paloma Picasso qui aura une influence forte sur cette silhouette de 1971. Elle s’habille déjà aux Puces dans cet esprit des années 40.

«  La haute couture ne sécrète plus que des nostalgies et des interdits. Comme une vieille dame. Je me moque que mes robes plissées ou drapées évoquent pour des gens cultivés la mode des années 1940. L’important c’est que les filles jeunes qui, elles, n’ont jamais connu cette mode, aient envie de les porter. » YSL

Références oui, mais Saint Laurent surtout !

Ce qui est frappant lors de cette exposition c’est l’histoire qui est mise au service de la création d’Yves Saint Laurent. Beaucoup de codes maison sont représentés dans cette collection : les fleurs qui ornent un corsage, une boucle de chaussure, le tailleur pantalon comme vêtement du soir, la transparence, les broderies brillantes et complexes, le goût de l’antique sur les robes plissées inspirées du cratère des Niobides et la fourrure en particulier avec un boléro léopard. La liberté des années 70 est aussi très perceptible.

photo © De fil en archive

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La fondation PBYSL donne ici un bel exemple d’une exposition sur une seule collection, fouillée et détaillée. Elle se laisse admirer. Le scandale paraît loin aujourd’hui, mais il a fait évoluer la haute couture. Les pièces présentées pourraient encore défiler sans être décalées.

  Yves Saint Laurent, 1971 la collection du scandale Fondation PBYSL Jusqu’au 19 juillet 2015

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