Le musée Yves Saint Laurent à Paris : un écrin préservé

Posté le 11 oct. 2017 dans 11 oct. 2017 dans Billets

Ca y est le musée tant voulu par Pierre Bergé a ouvert ses portes au public. Il prend place dans la maison de couture historique à l’endroit même où la fondation faisait ses expositions (Femmes berbères du Maroc ou 1971, la collection du scandale par exemple). Le lieu est petit, assez intimiste, cossu. Il place le visiteur dans une position confortable, comme un invité dans les coulisses de la maison de couture.

 

Les codes de la maison

Le fil conducteur de cette exposition est de donner les clés de l’univers du couturier. Ses quatre pièces iconiques sont placées dès l’entrée : La saharienne, le smoking, le trench et le jumpsuit. Dans cette première salle on présente l’élaboration d’une collection (idée déjà exploitée dans la collection du scandale). Pour cette première rotation, c’est l’année 1962 qui est à l’honneur avec des modèles de jour et du soir de l’automne et de l’été.

Saharienne d’Yves Saint Laurent, ©De fil en archive

Elle fait face à un mur de chartes de collection (bibles) et de croquis. Yves Saint Laurent conserve la même technique que celle qu’il a apprise auprès de Christian Dior, avec la même rigueur.

Musée Yves Saint Laurent Paris, salle de la collection de 1962, photo Luc Castel

Le musée magnifie aussi le travail des métiers d’art : sublimes vestes brodées dont les noms des artisans sont valorisés, fait rare dans les cartels de musées.

Veste Tournesole, hommage à Vincent Van Gogh, affinités artistiques. ©De fil en archive

 

Explosion de couleur

Yves Saint Laurent aimait l’ailleurs, l’exotisme qu’il imaginait grâce aux écrivains et aux œuvres d’art. Il ne souhaitait ni être ethnologue, ni déguiser les femmes. Il intègre dans ses collections des influences de Russie, d’Afrique sub-saharienne, du Maroc, ou de l’Extrême-Orient. Les modèles seront vecteurs de création comme Amalia Vairelli. Dans cette salle, les mannequins sont dorés, et soulignent l’importance des couleurs et des influences.

La dernière salle donnera les affinités artistiques du créateur et sa famille idéale : Picasso, Van Gogh, Mondrian…

L’exotisme d’Yves Saint Laurent ©De fil en archive

Robe hommage à Piet Mondrian, Alexandre Guirkinger

 

Pierre & Yves l’aigle à deux têtes

 

Si le musée célèbre la création d’Yves Saint Laurent, il raconte aussi, à travers des photos, mais surtout d’une salle spécifique le couple Berger/ Saint Laurent. Une petite salle à la moquette épaisse est occupée entièrement par un écran où les vies des deux hommes, de leur rencontre à leur mort, sont racontées par l’un et par l’autre au travers d’un film sensible et intime qu’il faut regarder en entier. Il narre ce couple exceptionnel, mais aussi leurs tempéraments, leur goût pour l’art qui transformera leur appartement en musée, ou leur amour du Maroc. Peut être la proximité de la mort de Pierre Bergé rend-elle cette salle encore plus émouvante.

L’aigle à 2 têtes ©De fil en archive

 

Histoire de la mode et studio

 

L’étage supérieur est occupé par deux salles très différentes. La première raconte une histoire de la mode au travers des modèles d’Yves Saint Laurent : Antiquité, Moyen-âge réinterprété etc. Cette section présente des œuvres qui ont été peu exposées. Il faut savoir que la politique de conservation de la maison Saint Laurent a été très novatrice. Le couturier lui même choisissait quelles œuvres seraient conservées dès la fin de la collection.

 

Le studio, lieu de travail du couturier, est lumineux, meublé et richement décoré (photos, livres, croquis, fétiches, mais aussi boutons et bijoux). Le lieu est encore habité et donne l’impression qu’Yves St Laurent va revenir d’un instant à l’autre.

Studio d’Yves Saint Laurent, Luc Castel

 

Dernière section : les témoignages

Ce qui fait la force de ce musée c’est aussi la parole donnée aux acteurs de la maison de couture. Laurence Benaïm a recueilli le témoignage des anciens collaborateurs d’Yves Saint Laurent : presse, ateliers de création, salons de Haute Couture. Ces courtes interviews racontent l’effervescence de la société à son apogée ainsi que le sentiment d’une période révolue.

Témoignages de la maison Yves Saint Laurent ©De fil en archive

J’ai vraiment beaucoup aimé ce musée,  justement car j’avais l’impression d’être dans une bulle spatio-temporelle. Il est à taille humaine, la signalétique manque quelquefois de clarté, mais c’est sans doute voué à s’améliorer. D’autres chantiers comme le pôle pédagogique vont s’étoffer au cours des prochains mois mais un livret en partenariat avec la revue Dada permet un parcours famille.

Je n’ai pas tout dévoilé : la galerie des bijoux, les illustrations, beaucoup d’autres trésors sont à découvrir dans la scénographie de Nathalie Crinière (Dior, couturier du rêve aux arts décos, c’est elle aussi).

 

Musée Yves Saint Laurent Paris, 5 avenue Marceau, 75116 Paris,

exposition inaugurale jusqu’en septembre 2018

 

Mettre en lumière le patrimoine unique des marques de luxe : des trésors à redécouvrir