Je dois avouer qu’avant de savoir qu’une expo sur la mode au Moyen Age se tenait dans ce lieu un peu secret, je ne le connaissais pas. J’étais souvent passée devant sans y faire très attention. Un peu en retrait derrière les arbres dans la rue Etienne Marcel, elle jouxte une école.
Le site annonce sobrement qu’elle est le dernier vestige du Palais des ducs de Bourgogne au XVe siècle et qu’elle conserve un bel escalier à vis (c’est vrai!). Cela étant, ce monument abrite une exposition temporaire qui a de quoi attiser la curiosité. Une particularité de ce lieu est de proposer des expositions thématiques sur le Moyen Age avec une grande rigueur et des commissaires d’expo passionnés.
Ici vous ne verrez pas de pièces originales car de part son budget, son espace et le thème abordé cette année, le choix a été de faire des reconstitutions, si possibles dans des tissus proches des originaux, et d’illustrer le thème avec des enluminures géantes. En effet, présenter des pièces historiques nécessiterait beaucoup de contraintes. Etonnamment, ce parti-pris permet de déculpabiliser le visiteur en supprimant l’aspect sacré qui aurait pu éloigner certains spectateurs.
J’ai eu la chance, grâce au Séminaire d’histoire de la mode, de pouvoir suivre une visite avec Nadège Gauffre Fayolle, commissaire de l’exposition. Sa passion et ses recherches permettent de faire le point sur la notion relative de mode à cette époque. En effet, dans l’exposition elle insiste sur les grands courants de l’habillement uniquement pour l’aristocratie. Pourquoi ? Parce qu’il faut faire des choix et qu’en plus il est un peu plus facile de trouver des représentation voire des vestiges de l’habillement des nobles de l’époque.
L’habillement évolue peu entre les Mérovingiens et le XIème siècle. Les hommes portent une tunique et des braies (pantalon), tenues avec lanières et jambières, tandis que les femmes portent une tunique et un voile manteau (pour comprendre, il suffit de regarder les représentations de la Vierge).
La mode évolue ensuite de manière assez unisexe. Hommes et femmes portent des tuniques et surcots qui se différencient uniquement par la longueur et la présence de fentes sur le devant pour les hommes (plus commode pour bouger). Sans que l’on puisse l’expliquer véritablement, savez-vous quelle est la partie du corps que l’on magnifie ? Le bras ! Les manches sont chauve-souris et cette partie du corps est l’objet de toutes les attentions pour être galbée et remarquée.
L’exposition évoque aussi la coupe des vêtements qui privilégie les formes simples et l’ajout de quilles de tissu pour ne pas gaspiller les étoffes.
La première partie de l’exposition esquisse en quelques silhouettes fortes les canons esthétiques.
Au XIVe siècle, les hommes veulent de la carrure et n’hésitent pas à rembourrer leur pourpoint grâce à un matelassage « en assiette » (qui forme des arrondis et laissent de la liberté de mouvement). Les chausses coupées dans du biais, là encore pour des questions de mobilité, parachèvent une silhouette toute en jambes. Pour s’adapter aux saisons, le grammage de la laine est différent en été et en hiver. Une autre particularité est d’obtenir un tissu velouté proche de l’aspect du velours, mais en utilisant de la laine à longs poils, qui est ensuite rasée. Cette étoffe vient des Flandres.
Cette tendance qui sculpte les jambes augmente au XVème siècle avec des pourpoints plus courts (mi- fesses) et des chausses qui s’adaptent et se cousent à l’entrejambe. Elles présentent la particularité de s’ajuster avec des « aiguillettes » nouées qui nécessitent souvent l’aide d’un domestique pour obtenir un effet parfait. De manière péjorative, cette silhouette masculine est comparée au lévrier.
Les femmes privilégient une cotte ajustée et lacée avec un buste très étriqué pour allonger la silhouette. La coupe princesse est de mise.
Une partie étonnante est consacrée aux sous-vêtements masculins et féminins. Les représentations d’hommes en sous-vêtements est usuelle dans la littérature médiévale : scènes de jeux, de lutte, et même de foulage du raisin. En les décortiquant, on apprend beaucoup sur l’évolution du caleçon pourvu de lanières pour être remonté ou au contraire maintenu long, des chemises complètent la tenue et même des slips pas si loin des modèles actuels.
Une découverte surprenante au château de Lengberg en Autriche nous apprend que le maintien de la poitrine faisait l’objet d’une attention marquée : le soutien-gorge et la robe à sachets, qui permettent de maintenir la poitrine, existent déjà. La mode est au buste menu et c’est aussi une préoccupation médicale de l’époque.
Si le tissu est actuellement facile à réaliser et se renouvèle particulièrement vite (trop vite), le Moyen-Age voit le textile très différemment. On parle alors de lin, de soie, et de laine et se vêtir coûte cher. Les vêtements sont entretenus, préservés, transmis et réutilisés.
Une pièce entière de l’exposition (au sous-sol) nous emmène dans un atelier de couture.
La garde robe est une vraie préoccupation (et une vraie fonction). Pas question de laisser les vêtements en vrac sur le sol. Ils sont suspendus sur des perches (pour éviter le grignotage des rongeurs), régulièrement aérés pour éviter les moisissures, entreposés dans des coffres pour éviter les puces.
Et les taches ? Les marchands ambulants vendent des préparations pour détacher et entretenir. Le fiel de bœuf, le blanc d’œuf, l’urine, l’argile sont une partie des ingrédients qui rentrent dans la composition des produits.
On brosse, on époussette, mais on lave aussi en fonction des textiles. Le linge blanc doit rester immaculé car il est souvent visible. Grâce à des fentes et par coquetterie, il est suggéré ou exposé.
Il est aussi utilisé en contraste avec les autres vêtements colorés qui sont eux même doublés différemment.
Il faut garder en tête que les moralistes et le clergé ont une force énorme à l’époque. Les lois somptuaires fixent les règles sur le luxe. La société est organisée et chacun doit rester à sa place, ni se surélever, ni se rabaisser. C’est valable aussi dans l’habillement. Pour adoucir ces dogmes la population a plusieurs subterfuges : les détails, les accessoires et les occasions spéciales.
Pour mettre en valeur les étoffes précieuses on voit par exemple l’apparition de fentes non utilitaires sur les vêtements, comme la « monstre » qui permet de dévoiler au niveau de la taille les étoffes du dessous. Elle part à la base d’un aspect pratique, qui était d’accéder à ses affaires nouées à la ceinture. Les belles n’avaient pas de sac à main !
Un ornement visible au XIVe siècle est la freppe. Ce découpage du tissu comme le canivet de papier, permet d’embellir son vêtement par un détail dans un tissu plus précieux et plus dense. Il peut se changer s’il est défraichi. Ce souci de la pérennité des ornements se retrouvait dans l’exposition Indigo avec les broderies.
Un autre aspect important est le couvre-chef. Pas de femme tête nue (sauf les prostituées). Il prend plusieurs formes mais a tendance à s’élever jusqu’à la démesure.
Grace au fil archal (fil métallique).
Le hénin, coiffe à corne, est en fait une mauvaise appellation (liée à une insulte aux femmes portant cette coiffure et évoquant le diable). Il faut en fait parler de flocard.
Pour les hommes on utilise un chaperon (comme pour le petit chaperon rouge), mais il est souvent détourné (en inversant la manière dont on le pose sur la tête pour obtenir une coiffure en crête de coq par exemple), l’ancêtre de la casquette à l’envers.
L’exposition est d’une richesse incroyable de documentation. Pour le vêtements de bal, j’ai découvert les costumes d’homme sauvage en étoupe de lin et cire qui sont célèbres pour le tragique bal des Ardents, ou encore le costume du fou du roi et sa signification ; les décors temporaires à la feuille d’or (la batture) qui donne l’illusion d’un vêtement précieux.
Les chaussures sont jetables et le fameux cousu retourné utilisé encore aujourd’hui par une célèbre marque de chausson de danse… On achète les chaussures en grande quantité et la démarche est dansante. Elle accompagne les grelots qui provoque une mode sonore !
On pourrait écrire trois articles avec la quantité des informations de cette exposition temporaire. Et il est frustrant de ne pas tout raconter : une seule solution, allez-y ! Un seul regret peut être c’est l’absence d’un glossaire sur les termes des vêtements.
Le petit fascicule (7 euros) qui accompagne l’exposition reprend une grande partie des informations de celle-ci, et permet de se remémorer ou de compléter sa visite.
Les anciennes expositions tournent dans d’autres région comme Dourdan, ou le château du Clos Vougeot.
EDIT : Un glossaire est en cours de réalisation : réactivité de la Tour Jean sans peur !
La mode au Moyen Age, Tour Jean sans peur jusqu’au 15 janvier 2017
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Le palais Galliera change de rythme et propose une exposition très séduisante. Exit pour cette saison, les monographies ou les collaborations et retour aux fondamentaux avec un focus sur la propre collection du musée.
Si les thèmes récents s’orientaient davantage vers le XXe siècle, il ne faut pas oublier que le fond de Galliera était lié à l’histoire du vêtement dès 1907. La Société de l’histoire du costume entend alors s’intéresser à tout ce qui se rapporte au corps de tous les membres de la société (société civile, clergé,etc). Ce n’est qu’à partir de 1977 que la mode apparaît dans le nom du musée.
La première grande salle est à mon sens la plus touchante. Elle présente des pièces anciennes voir très anciennes, mais toute la magie de l’expo réside dans son sens du détail. Chaque vêtement ou accessoire a le droit à une description et un cartel fourni qui justifie sa présence dans cette sélection.
Par exemple la petite garde-robe de Louis XVII pourrait sembler anecdotique : deux costumes et une fine chemise. Mais l’intelligence du propos est de montrer au visiteur un portrait de l’enfant avec la même chemise, d’expliquer pourquoi le tissu est de moindre qualité et la forme si caractéristique de la mode de l’époque. Par tous ces détails le vêtement reprend vie et raconte une histoire. Le détail de la minuscule couronne brodée devient un symbole dérisoire de la vie de l’enfant.
J’ai pris cet exemple touchant, mais chaque cartel raconte une histoire différente : la matière, le tissage, la teinture sont autant de détails qui permettent de comprendre comme dans une enquête que sous un gilet en maille d’apparence presque anodine se cache le raffinement de Condorcet. Ou qu’une ombrelle à tête de grue est en fait un « En cas » c’est à dire une ombrelle sans décor pour qu’elle puisse aussi protéger de la pluie…
Les robes de l’épouse du docteur Gachet, préservées telles qu’au jour de ses noces, la canne de Jacques Doucet, le magnifique costume brodé du Prince de Ligne qui aimait les jardins au point des les porter sur lui, cet inventaire à la Prévert est vraiment attachant.
Un des aspects qui m’a beaucoup plu dans cette exposition est le parti pris de présenter en même temps que ces pièces d’exception les vêtements ordinaires ou codifiés de la société.
Les lourdes jupes amples en gros lainage ou cette veste recoupée dans un surgé de laine bleu mal teint présentent ces habits usuels qui sont modelés par l’usage et en deviennent universels. Ce sont ces pièces qui forment un fil conducteur avec la salle suivante, celle des clientes haute-couture. Elles cohabitent avec les tabliers de jardiniers ou de bonnes.
Les pièces qui arrivent jusqu’au musée sont bien souvent données ou vendues par les clientes elles-mêmes ou leur famille.
Cette section regorge de robes et accessoires regroupés pour évoquer les couturiers et leurs fidèles. L’idée est de redonner vie au vestiaire d’une cliente, son style qui finit par faire corps avec la vision du couturier. Mitzah Bricard et Christian Dior ou Audrey Hepburn et Hubert de Givenchy. Si l’on y voit de très belles pièces, on est parfois un peu perdu par l’organisation. Là encore j’ai beaucoup apprécié l’évocation des femmes qui se vêtissent chez les couturiers : tempéraments de ces femmes libres comme Daisy Fellowes ou bien sur la duchesse de Windsor. Les artifices pour être élégante en toute circonstance sont assez amusant, en particulier le chapeau d’équitation en forme de canotier avec monocle intégré.
Cette courte section présentée dans le magnifique meuble vitrine, utilisé précédemment, est là aussi très impressionnante. Il montre que les actrices portent facilement en ville des pièces d’abord destinées à la scène et surtout qu’elles se créent souvent leur propre mode. Les chaussures en croco vert de Sacha Guitry , la robe en plumes bleues de Mistinguette ou la jaquette d’amazone de Cléo de Mérode (malheureusement moins mise en valeur) sont très parlantes sur leur indépendance. Elles font la mode et lancent les tendances.
Là encore une bonne idée, le témoignage écrit au travers de vêtements des inspiratrices. Jean Charles de Castelbajac, Adeline André et Elli Medeiros restent mes préférés (Vous vous souvenez de « Toi, mon toit »? voici le clip) . La chanteuse raconte comment elle a porté les robes présentées et quelle joie elle a eue à le faire.
La dernière partie montre des vêtements de défilés qui n’ont été portés qu’une fois, qui ne sont pas aussi incarnés mais qui retranscrivent au plus près l’idée originelle du créateur. Ces prototypes aussi ont droit à leur anecdote. La robe de Yohji Yamamoto en toile est d’une délicatesse incroyable.
Seule la scénographie m’a laissée sur ma faim. La volonté de renouer avec un accrochage XIXe en accord avec le lieu est un peu déroutante, les coffrages hauts, les mannequins sur des pieds surdimensionnés sont des effets originaux mais rendent moins lisible le propos.
Anatomie d’une collection Palais Galliera, jusqu’au 23 Octobre 2016
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La nouvelle exposition du musée Galliera remonte le temps pour présenter un don majeur de ses collections, celui des vêtements ayant appartenu à la comtesse Greffulhe. S’il n’est pas forcément évident d’intéresser le public à la mode de la fin du siècle dernier, il faut vraiment courir voir cette très belle exposition tant pour ses œuvres que pour sa scénographie.
La comtesse Greffulhe, Élisabeth de Caraman-Chimay, est née en 1860 et meurt en 1952. Nièce de Robert de Montesquiou, passée à la postérité sous la plume de Marcel Proust dans À la recherche du temps perdu, la comtesse prête ses traits à la duchesse de Guermantes. Elle épouse le comte Henry Greffulhe et devient une figure emblématique par sa richesse, sa beauté et ses actions en matière de vie culturelle et intellectuelle. Grand mécène pour la musique et les ballets russes, elle soutient aussi le capitaine Dreyfus et se passionne pour la science et en particulier Marie Curie. La comtesse Greffulhe est très éclectique, et sa garde-robe est à la hauteur de sa personnalité.
La première salle choisit de présenter la comtesse par petites touches pour la rendre vivante. Une série de dessins contemporains, deux films d’époque où elle pose sur une terrasse, et cette jeune femme n’est plus abstraite. La scénographie (de Béatrice Abonyi) joue sur les faux semblants en utilisant des éléments qui évoquent la scène : des tréteaux, des caisses en trompe-l’œil qui ménagent des coulisses et qui reprennent le style très Napoléon III des boiseries noires et des murs au coloris brique. Ce système de boîte est utilisé notamment pour une somptueuse robe à traîne. Comme souvent à Galliera, les vitrines ont disparu et abolissent la distance avec le spectateur.
Ce qui est frappant c’est l’évolution de son style. Les premières robes, très fortes, sont longues, taille fine et manches gigots, souvent vieux rose ou vert cru. Mais les tissus sont somptueux : velours ciselé pour une robe d’après-midi de Worth, broderies byzantines et bordure de zibeline (toujours Worth), réemploi d’un cadeau russe (un khalat) pour créer une cape d’apparat (qui sera retransformée huit ans plus tard pour suivre la mode). Elles démentent l’allure stricte de ce genre de forme. Elles montrent aussi une perfection du détail, un goût pour les motifs floraux et géométriques.
Une autre tendance dans cette somptueuse garde-robe, c’est le goût pour les kimonos et autres vêtements d’influence orientale. Vers 1910, la maison Vitaldi Babani importe des soieries et des pièces traditionnelles et diffuse aussi le style de Mario Fortuny. Elle crée plus tard ces propres modèles à partir de ces influences croisées. Une robe de l’exposition est d’ailleurs inspirée du célèbre châle blanc Cnossos.
Un autre espace est consacré aux robes du soir dans un esprit très contemporain. Les robes noires et blanches souvent de Jeanne Lanvin pourraient très facilement être adaptées à notre époque. Un manteau de soie, de la couturière orné d’un motif de briques est particulièrement moderne. On retrouve là encore les influences byzantines, égyptiennes (hiéroglyphes) qui sont dans l’air du temps. Les vêtements sont accompagnés de pièces d’archives : factures du trousseau de la comtesse, écrits personnels, comme ce texte très surprenant qui explique dans le détail ce que devra être sa tenue mortuaire : un contrôle total de son apparence jusqu’à sa mort et un goût certain de la mise en scène.
Une salle entière est consacrée aux souliers, éventails, chapeaux, épingles à cheveux, ainsi qu’aux accessoires de son époux. Un meuble à vitrines et tiroirs ouverts, donne l’impression de rentrer dans le dressing du couple, tout en protégeant ces accessoires fragiles.
Elle s’initie à la photographie dès 1883 et posera régulièrement dans le studio de Nadar (la référence artistique est primordial) mais aussi dans celui d’Otto Wegener, d’origine suédoise, qui ouvre son atelier place de la Madeleine en 1883 et attire une clientèle élégante issue de la haute société. La comtesse, qui s’aime beaucoup, diffuse ses portraits à ses proches et les accrochent aussi dans ses maisons. La série d’Otto est très vaporeuse et montrent la comtesse portant certaines des robes de l’exposition : la robe exposée dans un nuage de papier de soie, ainsi que la fameuse cape russe.
La meilleure idée de l’exposition est d’avoir diffusée particulièrement dans cette salle de la musique correspondant à l’époque. Ce petit plus permet au spectateur de se laisser envahir par les photos et l’atmosphère romantique.
L’exposition se termine en apothéose avec la robe aux lys de Worth. Elle présente une coupe « princesse », sans couture à la taille, inhabituelle pour l’époque, mettant en valeur la minceur de celle qui la portait. La berthe, sorte de col, qui pouvait se replier en ailes de chauve-souris constitue une allusion à l’animal tutélaire de son oncle Robert de Montesquiou, tandis que le motif de fleurs de lys fait référence au poème que ce dernier avait composé en l’honneur de la comtesse.
Je suis sortie de cette exposition en ayant l’impression d’avoir passé une heure dans une bulle de beauté. Ça n’est jamais désagréable et encore plus en ce moment !
Palais Galliera Jusqu’au 20 mars 2016 puis Museum du FIT de New York en septembre 2016.
Read MoreDans la série le mercredi c’est permis, j’ai emmené mes testeurs de 7 et 10 ans voir la nouvelle expo Autour des dinosaures, un voyage du Jurassique au Crétacé.
Ce qui est particulièrement intéressant ici et qui tend à se généraliser c’est que le visiteur quitte son rôle de spectateur. Il est sollicité pour entrer dans le vif du sujet. La frise chronologique en entrant permet déjà de situer correctement la période des dinosaures et de voir notre place à nous, petits humains, présents depuis si peu de temps à l’échelle de la vie sur terre. En face de cette frise, on découvre une empreinte à trois doigts, immense et qui laisse présager de la taille de l’animal dans sa globalité (un T.rex). Une carapace de tortue, un tronc fossilisé et une tête de crocodile, illustrent aussi très bien une faune et une flore riche. Au Jurassique la végétation n’était pas très différente de la nôtre…
L’exposition s’articule en grandes plages temporelles qui s’appuie sur la biodiversité sous-marine, la faune terrestre ; les plantes et animaux du Crétacé.
La démarche de l’exposition est vraiment de faire réagir les enfants et les adultes qui viennent ici. Les cartels sont grands, clairs, pas besoin de chercher les petits nombres avec difficulté. Les vitrines sont variées et posent des questions qui permettent de se placer dans la posture d’un scientifique. Les ammonites (qui existaient déjà 150 millions d’années avant les dinosaures) sont examinées à la loupe pour comprendre leur forme spiralée (ou pas). Les ophiures, et les crinoïdes livrent leurs secrets grâce à l’observation des fossiles.
Ce questionnement est le même pour les oiseaux et leurs ancêtres ainsi que les poissons avec de vrais exemples et des dessins explicatifs.
Même si les squelettes, les dessins, les films même, peuplent notre imaginaire sur les dinosaures, un rêve fou serait de pouvoir se téléporter au crétacé pour les observer en action. Le Palais de la découverte ne recule devant aucun sacrifice et fait jouer Retour vers le futur au temps des dinos !
Pas moins de 7 scènes sont mises en placent avec entre autre un Tarbosaurus un carnivore très semblable au T-tex, qui vivait en Mongolie et en Chine ou encore un Camarasaurus qui vivait aux alentours de 155 millions d’années en Amérique du nord et au Portugal. Se nourrissant de fougères et de conifères il est plus haut qu’une girafe.
A la fin de l’exposition 4 tables écrans permettent aux visiteurs de voir s’ils ont retenu certaines informations sous forme d’un quizz et d’une recherche archéologique virtuelle. Si l’intention y est, le dispositif est un peu décevant. Disponible en français et en anglais, les enfants et leurs parents avaient du mal à saisir le fonctionnement : taper, toucher, balayer comme sur un smartphone ? A revoir peut être…
L’expo est en tous les cas est passionnante et la taille parfaite si on décide de lire et de prendre le temps de s’imprégner. A noter que le livre édité pour l’exposition n’est pas cher (moins de 10 euros) et récapitule les étapes de l’exposition.
Changement d’univers, on retrouve ici tout le plaisir que l’on peut ressortir dans les expositions interactives du Palais de la découverte ou de la Villette. Deux niveaux de lecture : le propos scientifique et le plaisir de voir la lumière bouger, s’animer grâce aux mouvements, au souffle. Immersion totale dont les enfants ne se lassent pas.
Au musée de Cluny, la célèbre Dame à la licorne devient le sujet d’étude de 16 étudiants en bande dessinée de l’école Estienne. Quelques unes de leurs planches sont exposées dans 3 salles du musée. Différences de style, de scenarii, on a affaire à des imaginaires très personnels et variés du romantique au trash. Si l’idée est intéressante, la scénographie est un peu pauvre (sauf pour la première salle de présentation). Il aurait été intéressant d’avoir à disposition dans les salles le livre final pour le plaisir lire le recueil achevé. Le livre est néanmoins disponible à la librairie. Une bonne idée si vous voulez emmener des ados récalcitrants au musée du Moyen-Age. C’est aussi l’occasion de savourer la salle des des vitraux au coeur de la scénographie.
Palais de la découverte pour Autour des dinosaures jusqu’au 16 Août 2016 et XYZT, jouer avec la lumière jusqu’au 3 janvier 2016
Musée national du Moyen-Age pour La dame à la licorne revisitée par 16 étudiants de l’école Estienne jusqu’au 29 février 2016
Read MoreLa deuxième édition de ce salon consacré aux métiers d’art s’est tenue à Paris du 10 au 13 septembre. Des entreprises au savoir-faire ancien ou modernisé ont pu présenter leurs œuvres et leurs services.
Conjointement une exposition de créateurs coréens sélectionnés par la Korean craft & design foundation était mise en valeur. La Corée du sud (dont c’est l’année en France) est réputée pour l’excellence de ses métiers d’art.
Difficile de décrire le plaisir procuré par cette manifestation : la nef du Grand Palais sous le soleil et des stands plus beaux les uns que les autres. Céramique, textile, bronzier, joaillier… La liste est longue des spécialités présentes. Plutôt que de dérouler un inventaire à la Prévert long et un peu soporifique, j’ai préféré me concentrer sur le portrait de quelques entreprises ou personnalités qui m’ont touchée par leur esthétique et leur savoir-faire.
La pièce coréenne qui m’a le plus impressionnée est celle de Jaehyo Lee. Douce au toucher, elle est très antinomique car constituée de troncs de pins polis au millimètre.
Sur le grand stand consacré aux métiers du cuir, on pouvait admirer quelques réalisations en matière de gants et de souliers : Perugia, Roger Vivier, etc. Ce qui était plus inhabituel c’était de voir les formes pour couper les gants, les différentes textures de cuir, la gamme des couleurs.
Qui dit cuir dit aussi chaussure dit ici bottier. Hervé SALABERT est meilleur ouvrier du France. Avec gentillesse et pédagogie il a présenté son travail pendant le salon expliquant le patient travail de la mesure. Pour une paire de soulier sur-mesure, on commence par travailler sur la toile d’essayage (cuir moins noble que le cœur de la peau, utilisé pour le montage final). Pour vérifier que la forme est confortable, la toile est ouverte à différents endroits pour vérifier le confort du chaussant. Une paire de soulier sur mesure (à l’atelier John Lobb) nécessite 40 à 50 heures de travail, ce qui explique le prix. Il faut savoir qu’une paire fabriquée de cette manière peut être réparée au moins 7 fois et peut vivre 30 ans au pied de son propriétaire.
Une anecdote touchante est celle d’un jeune homme qui est venu le voir avec la paire de soulier de son grand-père. Son vœu étant de pouvoir les porter le jour de son mariage. Cette paire avait été remarquablement entretenue et les morphologies étaient très proches. Les chaussures ont été remontées pour être remises en forme et le souhait du jeune homme a été exaucé : un bel exemple de transmission !
Ce qu’explique ce bottier c’est aussi la complémentarité des profils de l’atelier : mesure, forme, patronage, coupe, piqûre… Chacun a sa spécificité.
L’atelier d’Offard est une entreprise familiale crée par François-Xavier Richard, artisan d’art et créateur de papiers peints à la planche, qui a remis au goût du jour les techniques d’impression au tampon du XVIIIe et XIXe siècle. Nouveaux outils, modernisation des techniques, mais au service de la modernité. Cette entreprise maîtrise des savoir-faires traditionnels comme la tontisse ou le gaufrage. Il faut voir de visu ces feuilles peintes, tamponnées, qui offrent un répertoire incroyable de motifs et d’effets. Difficile de ne pas penser à l’impression sur étoffe et ses tampons (Musée de l’impression sur étoffe de Mulhouse) qui part du même concept.
La tontisse consiste à appliquer sur une feuille (préalablement peinte) de la colle et de la poudre de soie ou de laine. L’effet est d’une délicatesse absolue. Cette technique a été utilisée pour une œuvre spécialement présentée pour le salon et réalisée avec la maison d’édition Of XXI, éditeur d’espaces, jeune maison d’édition, invente de nouvelles approches autour de l’espace mural. La collaboration entre Of XXI et l’Atelier d’Offard donne naissance à l’oeuvre «Les Zones Inexplorées», un panoramique imprimé à la planche en 9 couleurs de tontisses (flocage) dans le respect du savoir-faire ancestral des grandes manufactures. Pour ce projet , la maison d’édition interroge le matériau «papier-peint» comme vecteur privilégié des langages.
Capable de s’adapter à des visions graphiques comme Dandelion d’Emmanuel Bossuet, réalisation des papiers dominotés gaufrés pour la galerie Armel Soyer à Paris ou au contraire à des pièces historiques comme le panneau réalisé pour l’exposition Sienne du musée des Beaux Arts de Rouen.
D’autres métiers d’arts à découvrir bientôt…
Read MoreMettre en lumière le patrimoine unique des marques de luxe : des trésors à redécouvrir