[Attention post copinage] ! Quand on développe son projet d’entreprise, on passe par plusieurs étapes importantes. On peaufine le concept, on travaille son business plan puis on passe à la partie émergée : le nom et le logo.
Pour le logo, j’avais des idées, des envies mais je ne suis pas graphiste et ça tombe bien dans mes copines il y a Zoé. Nous avions déjà travaillé ensemble pour des projets perso. Alors on a échangé, débattu, parlé de ce que le logo devait raconter, la couleur, la typo, et abracadabra, elle a réussi à matérialiser ce que je voulais exprimer. Grâce à Zoé et à Axel (Id meneo), l’identité visuelle et le site sont en adéquation.
Et comme Zoé n’a pas qu’une corde à son arc, elle est aussi très douée en illustration. Vous avez sûrement déjà croisé ses dessins au style net et riche en détails pour des publicités, des hôtels et même sur l’autoroute.
Récemment, elle a lifté son site et en a profité pour ajouter un blog formidable. Elle y parle avec humour des relations clients, de ses inspirations et des gogos (surnom donné par sa fille aux enfants handicapés, comme elle).
Bref en cas de besoins en matière de graphisme et d’illustration, vous savez qui contacter… http://www.zoe-graphiste.com/ http://www.zoe-illustratrice.com/
Read MoreEn complément ou en préambule de l’exposition du centre Pompidou ou même en sortie unique pour mieux appréhender l’architecture de Le Corbusier, je vous propose une promenade à la Villa Savoye à Poissy.
C’est le CMN (centre des monuments nationaux) qui gère et ouvre à la visite ce monument laissé longtemps à l’abandon.
D’abord ça n’est pas loin de Paris (ok, c’est une phrase de parisienne) Et surtout parce que parler d’architecture c’est intéressant mais voir un vrai cas pratique c’est beaucoup plus parlant. Bien sûr on peut visiter d’autres réalisations de Le Corbusier (Fondation Le Corbusier , la Cité radieuse )mais ici il émane de cette commande privée un charme particulier qui change tout.
Cette villa est une commande de la famille Savoye (la même que les assurances Gras-Savoye). Elle achète le terrain en bord de Seine à des amis. Situation idéale proche de Paris et dans un paysage très bucolique (à l’époque). La maison destinée au couple et à leur fils est conçue comme une boîte en béton posée dans le paysage. La villa est construite entre 1928 et 1931.
Elle reprend les « cinq points d’une architecture nouvelle » énoncés par l’architecte : les pilotis, le plan libre, le toit terrasse, la façade libre, et la fenêtre bandeau. Ces principes révolutionnent l’intérieur et l’extérieur. La structure s’allège avec les pilotis. Le toit terrasse devient un espace qui prolonge la maison. La façade libre casse le code classique de l’entrée, le plan libre permet de moduler l’espace en fonction des besoins sans murs porteurs. Les fenêtres continues font de la nature un tableau permanent et mouvant.
Ce qui est moins visible maintenant c’est que le rez-de-chaussée, en plus de l’entrée, était consacré au garage et aux appartements des domestiques et du chauffeur. La largeur de l’allée sous les pilotis est calculée pour que la voiture puisse y passer sans difficulté. Détail amusant le lavabo assez monumental trône de manière visible au centre de la pièce et correspond à un soucis accru de l’hygiène.
Deux accès pour accéder au premier étage, une rampe douce et un escalier qui desservent toute la maison jusqu’au toit. Décrire tout l’espace intérieur serait fastidieux (et le site de la villa Savoye le fait très bien). Néanmoins il faut retenir cette impression d’espace et de lumière dans toutes les pièces de la maison. Le Corbusier souhaitait que l’intérieur et l’extérieur soient reliés. Les fenêtres et la baie vitrée coulissent, permettant de se fondre dans le paysage.
La villa Savoye est blanche mais la couleur est omniprésente : bleu du couloir vers la chambre du fils, rose, ocre, vert émeraude à l’extérieur, gris ciment. Les espaces sont modulés par ces teintes qui évoluent avec la lumière. L’atmosphère est douce même les jours de pluie (testé pour vous). Selon les espaces, le plancher blond ou le carrelage entrent en résonance.
Ces tonalités répondent aux courbes et aux lignes droites de l’architecture. Le toit terrasse fait un magnifique solarium en continuité avec les espaces intérieurs. On imagine juste que le jardin qui laissait voir la Seine au moment de la construction est maintenant victime de la croissance des arbres.
Même si le peu de mobilier ne permet pas de se remémorer exactement ce que pouvait être l’ambiance de la maison, on devine qu’il faisait bon y vivre et que les rangement sous les fenêtres, la cuisine très laboratoire, la salle de bain avec sa vague « chaise longue » en mosaïque étaient des révolutions au vu des habitations bourgeoises classiques. Cette villa reste incroyablement moderne encore aujourd’hui.
Dans le cadre de l’année le Corbusier (les cinquante ans de sa mort), plusieurs évènements sont prévus. Ce mois-ci, place aux artistes japonais. Il faut dire que l’esthétique des œuvres présentées fait écho à l’architecture de la villa Savoye. Cette exposition s’inspire de la « pièce à un tatami » construite par l’explorateur Takeshiro Matsuura et des maisons de thé (chashitsu) japonaises. D’autres artistes tels que Ai Kitahara ou Rie Kawakami propose des œuvres dans la maison. Ai Kitahara travaille avec des fibres comme pour Fiber Futures. Cette exposition a été présentée précédemment à Londres. L’oeuvre de Miwako Kurashima s’intègre très bien dans la petite salle qui lui est consacré. Les modules bleus et bois et la fenêtre se répondent et semblent attendre la cérémonie du thé.
Difficile de faire l’impasse sur cette exposition de Beaubourg. Si elle complète tout à fait la visite de la villa Savoye, elle reste pour moi très froide, mécanique, théorique. Elle permet de voir que Le Corbusier n’était pas qu’un architecte mais aussi un peintre. La muséographie de l’exposition doit faire face à beaucoup de visiteurs et reste un peu inadaptée. Les explications sur les espaces sont en particulier mal disposées et donc difficilement lisibles. Reste que le Modulor (système de mesure à partir de l’homme) ou sa réalisation de ville entière comme Chandigarh en Inde sont très bien expliqués. Beaucoup de film replacent le contexte de ses créations.
Si vous allez à la Villa Savoye avec des enfants n’oubliez pas d’imprimer le livret jeu bien étudié et qui n’est pas forcément proposé sur place. Les visites conférences sont gratuites et permettent de s’initier aux détails de la maison.
En Septembre 2015, la maison du jardinier sera ouverte au public, c’est une mini réplique de la villa.
Villa Savoye 82 rue de Villiers 78300 Poissy
http://www.villa-savoye.monuments-nationaux.fr
La page Facebook officielle est pleine de ressources aussi.
Read MoreJusqu’au 11 juillet, la Maison de la culture du Japon à Paris accueille cette exposition itinérante sur la création contemporaine japonaise liée à la fibre. Le postulat de départ, c’est la matière : fibre textile (soie, lin, coton, synthétique), fibre de papier, fibre métallique… Ensuite chaque artiste s’approprie ce support. C’est pourquoi sont exposés ici à la fois des installations, des tissus, et des sculptures. On est à la frontière de l’art contemporain, du design, et de l’artisanat. L’exposition comprend une trentaine d’œuvres qui expriment chacune une idée différente. Comme souvent avec l’art japonais on peut choisir de se promener et d’admirer les pièces pour leurs qualités esthétiques et émotionnelles ou alors de s’approprier la démarche de l’artiste, en s’intéressant au processus de création.
Ce qui est frappant, c’est cette capacité à combiner la tradition et la modernité dans les réalisations. Le plus bel exemple, pour moi, est le paravent de l’artiste Kyôko Ibe. En s’inspirant d’une pratique ancienne (VIIIe siècle quand même), elle actualise le concept. A la mort d’un noble, on fabriquait du papier recyclé à partir de textes manuscrits, laissés par le défunt. On utilisait ces nouvelles feuilles pour écrire des soutras qui lui rendaient hommage. C’est le kankon-shi (papier permettant le départ de l’âme).
Kyôko Ibe reprend cette idée en fabriquant du papier recyclé avec des documents qui ont plus de cent ans. L’encre devenue indélébile teinte le nouveau papier en noir. Elle mélange la pulpe obtenue à des particules de mica et de pulpe de papier indigo. Le résultat donne une nouvelle matière, très lisse et qui dévoile ses subtilités quand on s’en approche. Tantôt marbre, tantôt granit mais vraiment magnifique.
Fuminori Ono aime se servir du papier comme un vecteur entre la fabrication ancestrale et l’atmosphère qu’il veut restituer. Ainsi Feel the wind représente des épis de riz dans le vent. Ces couronnes colorées et ajourées jouent sur la transparence, le volume, et la légèreté du papier japonais.
Chaque pièce présentée est le petit manifeste d’un artiste. Pas de ligne directrice ou de technique commune, mais l’envie d’expérimenter à partir d’une matière différente. Il n’y a pas non plus message ostentatoire même si la nature est quand même très visible. Machiko Agano réinvente une forêt artificielle à partir de collages et de découpages de papier miroir et de photos de végétaux. Le visiteur devient acteur de cette nature factice en se reflétant dans l’installation.
Tomoko Arakawa aime le fil métallique, le plus fin possible et le tisse. Ici son œuvre extrêmement poétique, Prière pour le temps est une ode à la terre fertile avec un lac bleu scintillant et la sensation du moelleux de l’air qui l’entoure.
Kiyomi Iwata travaille à partir du kibiso, terme qui désigne les dix premiers mètres de fil qu’un ver à soie tisse après son éclosion. Cette fibre est irrégulière et beaucoup plus grossière que le fil de soie. Considéré comme un rebus il était jeté. L’artiste avec Chrysalis en fait un une matière noble et intègre à l’œuvre le dessin préparatoire de la sculpture.
Kyôko Kumai, a inventé de nombreux tissus avant de préférer le métal pour sa création. Son installation Temps évoque les pierres des jardins zen dont chaque place est parfaitement déterminée pour laisser l’esprit vagabonder. L’artiste revendique une invitation au voyage.
Une autre thématique se dégage, c’est la transformation du tissu. On retrouve d’abord des techniques traditionnelles qui semblent s’échapper de leur cadre naturel. Ainsi Dai Fujiwara a bâti une maison qu’il compare à un corps humain. Son toit est en tissu et agit comme une peau plus que comme un élément décoratif. Il régule la lumière, la chaleur, l’humidité. Dommage que nous ne sachions pas ce qui se passe avec un climat pluvieux.
Birth de Hitomi Nagai, en tissu nid d’abeille est légèrement inquiétante car terriblement vivante.
Kayuzo Onayama partage ce goût pour les caractéristiques des tissus et crée une œuvre hypnotique à base de polyester jaune et blanc qui vibre avec l’air et la lumière.
Naoko Serino propose l’œuvre la plus étrange en utilisant de la fibre de chanvre et en l’assemblant selon un procédé personnel. Ces grands ressorts beige doré semblent suspendus dans l’espace et projettent une ombre au sol qui rappelle le motif traditionnel du patchwork américain : les anneaux de mariage. L’artiste Akio Hamatani choisit lui d’exploiter les propriétés des matières premières en cherchant surtout à ne pas les brusquer, pour obtenir le résultat le plus naturel possible. W-Orbit trône, à la fois majestueuse et légère et s’inscrit merveilleusement bien dans l’espace de l’exposition. L’indigo se mêle au blanc et grâce à la transparence du tissage crée d’autres motifs.
Chacune des œuvres donnent envie d’arrêter le temps, de s’immerger dans cet espace à part et de s’intéresser à cet art apparu dans les années 60 aux Etats-Unis et à la Biennale internationale de la tapisserie de Lausanne avec le courant « Nouvelle tapisserie ».
Fiber Futures, les explorateurs de la création textile au Japon
Jusqu’au 11 Juillet 2015
Maison de la culture du Japon à Paris
Read MoreTiens et si on parlait de Napoléon ? Oui c’est moins habituel ici, mais l’exposition qui vient de s’ouvrir au musée Carnavalet permet aussi de voir quelques vêtements, diadèmes et éventails.
Le thème de cette exposition temporaire est le lien intrinsèque entre Napoléon et la capitale. Plusieurs éléments de sa vie s’y sont déroulés (le coup d’État du 18 Brumaire, le sacre, le mariage avec Marie-Louise, la naissance de son fils, la seconde abdication). Mais au delà de cela, le musée nous montre la manière dont l’empereur a façonné la capitale. Les arcs de triomphe (Grande armée et Carrousel), la colonne Vendôme, mais aussi la réorganisation du palais des Tuileries ou encore la façade de l’assemblée nationale et l’église de la Madeleine. Il souhaitait faire de Paris une ville moderne et pour cela a réalisé des travaux utiles comme les marchés couverts, les fontaines, les canaux. Paris est un mélange de rêves de nouvelle Rome avec ses projets de palais et de ville moderne avec ses équipements dédiés à l’amélioration de la salubrité.
L’exposition présente de nombreux éléments de la vie de la Cour dans le palais des Tuileries, de la correspondance et aussi quelques vêtements magnifiques. Si l’uniforme est un élément très utilisé du vestiaire masculin, on trouve aussi des costumes civils. Ce qui est marquant ? L’usage de la couleur et des broderies d’or et d’argent dans les vêtements exposés. Les symboles utilisés sont évidemment l’abeille dorée mais aussi les feuilles de laurier ou les branches de palmier. On est là dans du costume d’apparat. Le costume civil est plus sombre et plus fonctionnel.
La mode féminine se distingue par cette allure très caractéristique : taille haute (empire), simplicité de la silhouette, petites manches. La robe présentée, avec sa traîne arrondie et ses broderies, montre bien le caractère grandiose de la pièce.
« Ces costumes font étalage de luxe et comme le chef d’œuvre d’artisan, ils rassemblent tous les savoir-faire. » Catherine Örmen*
L’exposition intègre dans sa scénographie une rue de Rivoli en miniature, avec ses arcades qui desservent les pièces de l’exposition. Une carte interactive permet de visualiser sur un plan de Paris 53 lieux de l’architecture napoléonienne avec des liens vers les gravures des monuments réels détruits ou qui sont restés à l’état de projet : monuments, fontaines, marchés, rues, hôtels, palais… La carte propose ainsi de revenir sur l’histoire d’un lieu, sa fonction, ses architectes.
De nombreuses activités sont liées à l’exposition. Expérience personnelle, n’hésitez pas à y aller avec vos enfants en CM2, c’est au programme et l’histoire devient tout de suite plus proche avec des exemples réels de lettres ou d’objets.
Musée Carnavalet jusqu’au 30 Août 2015 *Brève histoire de la mode, Catherine Örmen
Read MoreA Paris a commencé la dixième étape de l’exposition Jean-Paul Gaultier mise en place par le musée des Beaux-arts de Montréal. 1,4 millions de visiteurs ont déjà pu l’admirer à travers le monde. Voici enfin venu le tour de Paris avant que Münich ne prenne le relais. C’est le Grand Palais qui accueille cette énorme caravane (14 tonnes de matériel quand même). Jean-Paul Cluzel séduit par sa visite de la précédente étape a ouvert l’espace de la rotonde.
Il est rare de voir une exposition liée à un créateur de mode vivant qui en plus a fondé sa propre maison. Jean-Paul Gaultier dit avec humour: « D’habitude c’est pour les gens morts ! ». Cette aventure a commencé en 2009. Pour Nathalie Bondil (conservateur en chef du Musée de Montréal) l’événement est davantage une installation contemporaine qu’une exposition classique de mode. Et c’est vrai qu’elle n’a pas tort… (Teasing pour la suite de l’article).
Si la collaboration entre Jean Paul Gaultier et l’équipe de Montréal a fonctionné c’est d’abord parce qu’elle véhicule un très fort message de tolérance. Le créateur a toujours voulu jouer avec la mode et ses codes. Chez lui tout le monde est représenté : les différentes couleurs de peaux, de religions, de poids, de tailles, de sexe : c’est le multiculturel assumé.
Thierry Loriot (commissaire de l’exposition) souligne le travail préparatoire de l’exposition (deux ans dans les archives de la maison) et la volonté de présenter toutes les facettes du travail du créateur. Il souligne que sa mode ne suit pas les modes, mais reste en phase avec la rue.
Jean Paul Gaultier s’amuse du parallèle puisqu’il y a 40 ans, il organisait son premier défilé au palais de la découverte (juste à côté du Grand Palais). Modeste et loin de se prétendre artiste, il donne sa ligne directrice : s’amuser dans la vie ! L’exposition a été conçue comme une sorte de « super défilé », un vrai show. Comme il s’agit de la dixième étape et en plus dans sa ville certains espaces ont été renforcés (les muses) ou ont évolué.
Au travers de cette exposition thématique il ouvre aux visiteurs d’abord son jardin secret. Visite de l’exposition.
Ce préambule résume à lui seul les premières inspirations déterminantes dans la vie du couturier.
Pour Paris cette salle a été revue avec l’installation « morphing » de Jurgen Bey qui enrobe tous les objets d’une seconde peau blanche en tissu élastique. Des portraits de famille, avec l’influence prépondérante de sa grand-mère et la grande ouverture d’esprit de ses parents sont mis en lumière par des photos de famille. Son ours en peluche Nana, mannequin malgré lui du petit garçon est présenté dans une vitrine. Le film Falbalas de Jean Becker qui a marqué son imaginaire, son compagnon Francis Ménuge avec qui il a fondé sa maison… Ses premières muses d’Anna Pawloski à Farida Kelfa.
Ces jalons fondateurs font face aux premiers modèles de Jean-Paul Gaultier. Dont la robe Sainte Nitouche de 1971 et une robe en sac poubelle de 1980.
Les sirènes et les marins sont des emblèmes forts de l’univers de Jean-Paul. D’abord parce qu’il considère la marinière et le pull marin comme des indémodables. Il les réinterprète continuellement dans toutes les matières et toutes les techniques. Mais si cette salle est extraordinaire c’est aussi par cette innovation de l’exposition : le mannequin animé.
Voir la vidéo de la Sirène
En effet le couturier qui fréquente régulièrement le festival d’Avignon ne concevait pas une exposition figée. C’est pourquoi la scénographie a intégré des mannequins Jolicoeur International, créés spécialement pour l’exposition pour donner un rendu extrêmement vivant. La deuxième collaboration se fait avec Denis Marleau, du théâtre UBU de Montréal. Pour animer l’exposition certains mannequins se mettent à vivre grâce à leur visage. Celui-ci, réalisé à partir de vidéos et de moulages donne une impression saisissante. Chaque personnage devient un être humain, avec ses mimiques, ses sourires bienveillants, son allure. Un nouveau rythme est donné au parcours de l’exposition. En effet dans cette salle, le couturier en personne parle de son exposition au visiteur, capte son attention pendant que les autres mannequins continuent à vitre comme une assemblée en représentation. C’est la première fois que je vois un dispositif aussi novateur. Les vêtements ont toutes leur place, mais sont renforcés par ce dispositif. La salle est nimbée de bleu aquarium.
Sur une estrade le chœur des vierges ne se contente pas de sourire mais chante aussi. En effet cette iconographie religieuse détournée fait partie de l’univers de JPG. Combinaison pantalon en dentelle blanche de Kylie Minogue ou vierge qui se serait habillée en blanche neige, tout est décalé et exacerbé. Les auréoles, les cœurs sanglants , les calices, robes longues et couleurs kitch se côtoient dans un joyeux mélange.
Cette exposition qui se vit comme une succession de surprises a mis la barre très haut avec cette scène. Un grand podium, où les mannequins tournent sous la voix de Catherine Deneuve, reproduit un défilé de modèles emblématiques des collections de haute couture de Jean-Paul Gaultier. De part et d’autre on retrouve les spectatrices/ clientes/muses du défilé, et de l’autre une succession de punks en tartan, tous plus géniaux les uns que les autres. Un peu goguenards ils se laissent admirer dans ce mélange des genres cher au créateur. C’est l’occasion de rendre hommage au magnifique travail d’Odile Gilbert qui a coiffé l’ensemble des mannequins de l’exposition. Cette profusion de silhouettes étourdie le visiteur de joie et d’émerveillement.
On retrouve aussi beaucoup de photographies dont cette très belle photo de Peter Lindbergh qui symbolise bien les mannequins et la mode dans années 90.
Le couturier revendique son goût pour la beauté non classique, pour les tailles, les individus hors norme dans toutes les acceptations. Dans cette salle, on admire Teri Toye, equin transgenre ou Eve Savail au crâne rasé et tatoué. Le défilé amfAr au profit de la recherche contre le sida est montré au public sur grand écran. Le corset de Beth Ditto entre autre fait pendant au film. Cette salle hyper sonorisée donne l’impression d’arriver soi même dans un défilé par le backstage. L’impression est renforcée par le monumental escalier et son installation sonore et lumineuse créé par Monument Factory.
Dans une atmosphère beaucoup plus intime, sont disposés de nombreux corsets. Avec Gaultier on oublie la contrainte du corps pour parler charme et sensualité. Il aime le charme suranné du corset mais pas ses contraintes. Dans toutes les collections et collaborations artistiques, il le retravaille pour qu’il acquière un symbole de force et d’exubérance, aussi symbolique et évident que la veste masculine.
Le latex, le bondage, le cuir et la résille ne sont pas à première vue les symboles les plus chics en mode. La peau se pare de collants tatouages qui créent l’illusion d’une peau nue et sensuelle. La scénographie propose ici une ambiance beaucoup plus érotique pour mettre en scène les silhouettes. Coffrage rouge et murs percés. Ces codes sont depuis longtemps repris par beaucoup de créateurs. Ce que j’ai trouvé incroyable ici c’est le mannequin homme qui parle à son double dans un miroir et qui s’interroge sur le droit des hommes à porter des vêtements couture. Et à assumer leur beauté et leurs envies.
Dans le thème Métropolis ou la vidéo fuse de toute part, les collaborations artistiques liées à la télévision, au cinéma ou à la danse se mélangent dans une douce cacophonie.
Ici c’est encore une apothéose. Deux grandes vues de Paris en vidéo donnent le ton. L’impression est que toutes les influences et les envies de Jean Paul Gaultier se retrouvent en condensé : mélanges ethniques, hybridation, recréation.
« Il rassemble ce qu’il aime mixe et matche, collecte et transgresse puis synthétise en un seul vêtement ».
Ces silhouettes hyper soignées ont un autre avantage, c’est qu’elles montrent le foisonnement des métiers d’arts qui travaillent pour le couturier. Chaque silhouette est une ode à la beauté et au savoir-faire. Coiffe d’écailles, robe en laine, robe du soir en tulle camouflage ou encore sac en cuir reproduisant une feuille de palmier plus vraie que nature et tellement désirable.
Jean-Paul Gaultier a arrêté son activité de prêt-à-porter car il ne trouve pas de plaisir dans le marketing dicté par les grands groupes. Il continue la haute couture et les collections capsules. Dans cette exposition on sent toute la force de vie et de liberté qui constitue sa création. Il aimerait dans le futur faire un spectacle au Folies Bergères. En sortant de cette exposition magistrale, cela sonne comme une évidence tellement le spectacle est présent dans son exposition. Les musées canadiens sont réputés pour leurs qualités de médiation culturelle (clin d’oeil à Colette Dufresne Tassé dont les cours avaient été une révélation). Après avoir vu ce tour de force technique on ne peut qu’acquiescer. Le message est transmis avec en plus de l’amusement.
En complément de l’exposition on trouve une application pour Smartphones. Elle permet de s’habiller Gaultier, de télécharger les programmes des audio guides de s’intéresser à certains modèles en particulier. Un gros bémol cependant si vous ne possédez pas un Smartphone de toute dernière génération, passez votre chemin. Les ressources sont très gourmandes et rien n’a été prévu par exemple pour un Iphone 4S. C’est un peu frustrant.
Jean Paul Gaultier, jusqu’au 3 Août au Grand Palais à Paris
Read MoreIl y a des expositions discrètes (avec des heures d’ouvertures discrètes aussi) qui rencontrent un très vif succès. C’est le cas d’Indigo à la bibliothèque Forney. Visite guidée.
La bibliothèque Forney est située dans le quartier du Marais. C’est l’ancien hôtel de Sens, construit à la fin du XVe siècle par Tristan de Salazar, évêque… de Sens (c’est bon vous suivez). Très dégradé après avoir eu de multiples fonctions, il est racheté en 1911 par la ville de Paris. En 1973, le fond de la bibliothèque Forney est transféré dans ce bâtiment. Ces collections sont constituées d’ephemera (entre autres étiquettes publicitaires) mais aussi de livres anciens, papiers peints, tissus….. Bref une vraie mine d’or.
La bibliothèque accueille régulièrement des expositions.
A l’origine de ce voyage dans la teinture, on retrouve une femme qui préfère laisser parler sa collection. Catherine Legrand, créatrice de la marque A la bonne renommée, rassemble ces pièces teintées par l’indigo à travers le monde. Elle est commissaire de l’exposition.
« Cette exposition souhaite contribuer à la sauvegarde des traditions textiles liées à l’indigo, de l’extraction à la teinture, jusqu’aux techniques décoratives qui y sont attachées. Elle participe à une démarche entreprise par certains pays pour que l’indigo soit inscrit par L’UNESCO comme élément du patrimoine immatériel de l’humanité. » Catherine Legrand
Si l’indigo et le pastel sont tous les deux des plantes, la seconde s’adapte dans les régions tempérées. C’est pourquoi le pastel était utilisé en Europe. Son bleu est plus pâle. La première salle présente surtout des vêtements de travail, des costumes traditionnels. Ce qui est frappant c’est la similitude de formes pour des régions du monde très éloignées.
En changeant de pièce, on change de pays : Japon et Chine, puis Maghreb et Afrique noire, pour conclure par l’Inde, le Laos, le Vietnam et le Pérou.De grands panneaux didactiques expliquent les particularités techniques et les habitudes de chaque peuple. Au Japon, la mode de l’indigo est initiée par les samouraïs au XIIe siècle. Comme le coton ne pousse pas dans le nord du pays, les kimonos étaient précieux et donc réutilisés. Même si la mécanisation a eu lieu au XIXe siècle, l’indigo est travaillé par des artisans « trésors vivants» encore aujourd’hui.
En Afrique du nord, on utilise du coton mais aussi de la laine, qui n’absorbe pas l’indigo. Cela crée des nuances plus claires et donc des motifs. Les grands pagnes dogons présentent une diversité de motifs graphiques et symétriques magnifiques (cou de corbeau, croisillons de la falaise). On utilise un système de nœuds et de ligatures qui créent des parties « en réserve » sur le tissu. La teinture se fait après cette étape. Quelques centres subsistent encore au Mali et au Nigéria, malgré la situation politique et les tissus synthétiques.
Au Laos, le bleu est saturé, presque noir et le décor est omniprésent. Les fillettes apprennent à broder tôt. Les ouvrages sont de petites tailles pour être transportés facilement. Ces broderies sont cousues sur le vêtement déjà teint. S’il est trop abimé ou éclairci, les motifs sont conservés et réutilisés. Rien ne se perd tout se recycle !
En Inde, l’indigo a été symbole de rébellion. En effet commercialisé sous forme de blocs séchés le commerce de l’indigoterie a occasionné au XIXe siècle un durcissement des conditions de travail des ouvriers indiens par les colons anglais. La révolte a été cautionnée par Gandhi. Les motifs brodés en Inde sont d’inspiration naturelle.
Le parti pris est de présenter les vêtements principalement à plat, tendus sur les murs. Certaines pièces (sûrement moins fragiles ?) sont posées sur des cintres métalliques ou tenus par des pinces. Des stockmans (mannequins) sont utilisés pour présenter silhouettes les plus richement ornées. Peu de vitrines, mais un système de marquage au sol et de fils tendus pour matérialiser les espaces d’exposition. Au début c’est un peu déstabilisant (vieillot ?) d’avoir un accrochage très ethnographique. Cependant les pièces sont tellement variées et très souvent magnifiques, que le visiteur se laisse gagner par cette accumulation. Cette alternance de motifs bleu et blanc, de broderies et de couleurs vives avec toujours en arrière plan ce bleu vibrant, changeant qui dépayse totalement.
Un des points forts d’Indigo c’est aussi les informations sur les oeuvres. Elles sont distillées pièce par pièce souvent à l’aide d’une grande étiquette carrée qui donne bien sur la provenance et le lieu de conservation, mais aussi quelques détails pratiques ou techniques.
Indigo est vraiment une exposition passionnante qui va au delà d’une analyse technique. Elle permet de voyager, et de voir qu’à partir d’une variété de pigment, le bleu est réinventé en permanence en fonction du pays dans lequel il est utilisé. C’est une manière réjouissante de montrer l’imagination et la diversité de réalisations humaines.
A noter que le catalogue (Edition de la Martinière) qui accompagne l’exposition est très beau et particulièrement bien documenté avec une multitude de photos in situ. Indigo Bibliothèque Forney Du mardi au samedi de 13h à 19h jusqu’au 2 Mai 2015
Read MoreMettre en lumière le patrimoine unique des marques de luxe : des trésors à redécouvrir