Le palais Galliera change de rythme et propose une exposition très séduisante. Exit pour cette saison, les monographies ou les collaborations et retour aux fondamentaux avec un focus sur la propre collection du musée.
Si les thèmes récents s’orientaient davantage vers le XXe siècle, il ne faut pas oublier que le fond de Galliera était lié à l’histoire du vêtement dès 1907. La Société de l’histoire du costume entend alors s’intéresser à tout ce qui se rapporte au corps de tous les membres de la société (société civile, clergé,etc). Ce n’est qu’à partir de 1977 que la mode apparaît dans le nom du musée.
La première grande salle est à mon sens la plus touchante. Elle présente des pièces anciennes voir très anciennes, mais toute la magie de l’expo réside dans son sens du détail. Chaque vêtement ou accessoire a le droit à une description et un cartel fourni qui justifie sa présence dans cette sélection.
Par exemple la petite garde-robe de Louis XVII pourrait sembler anecdotique : deux costumes et une fine chemise. Mais l’intelligence du propos est de montrer au visiteur un portrait de l’enfant avec la même chemise, d’expliquer pourquoi le tissu est de moindre qualité et la forme si caractéristique de la mode de l’époque. Par tous ces détails le vêtement reprend vie et raconte une histoire. Le détail de la minuscule couronne brodée devient un symbole dérisoire de la vie de l’enfant.
J’ai pris cet exemple touchant, mais chaque cartel raconte une histoire différente : la matière, le tissage, la teinture sont autant de détails qui permettent de comprendre comme dans une enquête que sous un gilet en maille d’apparence presque anodine se cache le raffinement de Condorcet. Ou qu’une ombrelle à tête de grue est en fait un « En cas » c’est à dire une ombrelle sans décor pour qu’elle puisse aussi protéger de la pluie…
Les robes de l’épouse du docteur Gachet, préservées telles qu’au jour de ses noces, la canne de Jacques Doucet, le magnifique costume brodé du Prince de Ligne qui aimait les jardins au point des les porter sur lui, cet inventaire à la Prévert est vraiment attachant.
Un des aspects qui m’a beaucoup plu dans cette exposition est le parti pris de présenter en même temps que ces pièces d’exception les vêtements ordinaires ou codifiés de la société.
Les lourdes jupes amples en gros lainage ou cette veste recoupée dans un surgé de laine bleu mal teint présentent ces habits usuels qui sont modelés par l’usage et en deviennent universels. Ce sont ces pièces qui forment un fil conducteur avec la salle suivante, celle des clientes haute-couture. Elles cohabitent avec les tabliers de jardiniers ou de bonnes.
Les pièces qui arrivent jusqu’au musée sont bien souvent données ou vendues par les clientes elles-mêmes ou leur famille.
Cette section regorge de robes et accessoires regroupés pour évoquer les couturiers et leurs fidèles. L’idée est de redonner vie au vestiaire d’une cliente, son style qui finit par faire corps avec la vision du couturier. Mitzah Bricard et Christian Dior ou Audrey Hepburn et Hubert de Givenchy. Si l’on y voit de très belles pièces, on est parfois un peu perdu par l’organisation. Là encore j’ai beaucoup apprécié l’évocation des femmes qui se vêtissent chez les couturiers : tempéraments de ces femmes libres comme Daisy Fellowes ou bien sur la duchesse de Windsor. Les artifices pour être élégante en toute circonstance sont assez amusant, en particulier le chapeau d’équitation en forme de canotier avec monocle intégré.
Cette courte section présentée dans le magnifique meuble vitrine, utilisé précédemment, est là aussi très impressionnante. Il montre que les actrices portent facilement en ville des pièces d’abord destinées à la scène et surtout qu’elles se créent souvent leur propre mode. Les chaussures en croco vert de Sacha Guitry , la robe en plumes bleues de Mistinguette ou la jaquette d’amazone de Cléo de Mérode (malheureusement moins mise en valeur) sont très parlantes sur leur indépendance. Elles font la mode et lancent les tendances.
Là encore une bonne idée, le témoignage écrit au travers de vêtements des inspiratrices. Jean Charles de Castelbajac, Adeline André et Elli Medeiros restent mes préférés (Vous vous souvenez de « Toi, mon toit »? voici le clip) . La chanteuse raconte comment elle a porté les robes présentées et quelle joie elle a eue à le faire.
La dernière partie montre des vêtements de défilés qui n’ont été portés qu’une fois, qui ne sont pas aussi incarnés mais qui retranscrivent au plus près l’idée originelle du créateur. Ces prototypes aussi ont droit à leur anecdote. La robe de Yohji Yamamoto en toile est d’une délicatesse incroyable.
Seule la scénographie m’a laissée sur ma faim. La volonté de renouer avec un accrochage XIXe en accord avec le lieu est un peu déroutante, les coffrages hauts, les mannequins sur des pieds surdimensionnés sont des effets originaux mais rendent moins lisible le propos.
Anatomie d’une collection Palais Galliera, jusqu’au 23 Octobre 2016
Mettre en lumière le patrimoine unique des marques de luxe : des trésors à redécouvrir