Les groupes des réseaux sociaux recèlent parfois de très bonnes surprises. On y découvre des gens passionnés et ça donne de jolies rencontres. Paris sur un fil a décidé de m’interviewer. Exercice nouveau pour moi qui suis plus habituée à poser les questions… Il en ressort un article qui donne un autre éclairage à la mission de De Fil en Archive et ça me plaît beaucoup !
Pour lire l’article dans son contexte c’est ici, le texte est en dessous.
▪ Bonjour Solenn !
Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs et nous raconter votre parcours ?
Bonjour, je m’appelle Solenn et je suis parisienne depuis 20 ans maintenant. Depuis très jeune, je suis attirée par le domaine muséal et j’ai ainsi été naturellement guidée vers l’Ecole du Louvre dans la poursuite de mes études (1er et 2ème cycle). Parallèlement, j’ai souhaité avoir une approche du monde professionnel en effectuant plusieurs stages, notamment au Musée des Arts Décoratifs et auService des Archives chez Christian Dior Couture. C’est grâce à ces opportunités de travail que j’ai décidé d’écrire mon mémoire d’étude sur Les costumes de bal et de théâtre de Christian Dior.
En sortant de ma formation, j’ai eu la possibilité de travailler immédiatement en tant que rédactrice pour un site web spécialisé dans la mode – anatomique.com. Cette première expérience m’a vraiment permis de créer un réseau dans ce domaine que je n’avais pas pu développer à l’Ecole du Louvre. J’avais surtout envie de sortir de l’univers bibliothèque, musée, etc… Il s’agissait d’un véritable challenge pour moi : se mettre à écrire avec un œil journalistique sur le web, et surtout convaincre de jeunes créateurs de mode de faire confiance à un nouveau média comme celui pour lequel je travaillais.
Après deux années passées à écrire, j’ai poursuivi ma carrière chez un antiquaire sur le quai Voltaire. On peut dire que c’était un retour vers mon premier amour qui était l’univers muséal mais cette fois-ci avec une nouvelle approche, plutôt commerciale. Je suis ensuite retournée vers le journalisme en tant que pigiste pour avoir la liberté de choisir mes projets et pouvoir adapter mon temps comme je l’entendais.
▪ Début février 2014, vous avez décidé de créer votre propre entreprise, De fil en Archive. Comment est né ce projet et quel est le concept de votre société?
Quand mes enfants ont été scolarisés, j’ai eu l’envie de me lancer dans l’entreprenariat. Etant de nature indépendante, cette décision a été finalement une véritable évidence. A ce moment là, l’embryon de De fil en Archive existait déjà ; en en parlant autour de moi, j’ai senti l’intérêt des gens, mais il manquait encore certains fondamentaux au projet.
Pour y remédier, j’ai assisté au Salon des entrepreneurs, où l’ESSEC tenait un stand. J’ai ainsi pris connaissance de leur programme Entreprendre au Féminin : un cursus d’une année dispensant des cours de droit, de marketing et de comptabilité pour monter sa propre affaire. Cette formation a permis de faire évoluer mon projet personnel au milieu de professionnels, tous entrepreneurs dans l’âme.
« Quand j’ai réalisé mon étude de marché, je me suis aperçue qu’il n’existait pas d’entreprise en France qui alliait la numérisation d’archive et la mode. »
Pourtant, ce secteur comme bien d’autres a besoin que son patrimoine soit protégé et valorisé via la procédure de numérisation des collections. Il existe énormément de maisons de mode dans lesquelles le numérique n’est pas encore entré : faute de budget, elles ne peuvent pas employer de personnel pour s’occuper de la numérisation de leurs archives à l’année.
Mon travail consiste donc à conseiller et à apporter des solutions à ces maisons de mode pour archiver au mieux leur patrimoine. Baignant dans le monde culturel depuis des années, j’essaie particulièrement d’apporter un œil expert à mes clients. En allant plus loin, je considère que mon travail est aussi d’introduire de bonnes pratiques en matière de conservation préventive. Il ne s’agit pas d’imposer à mes clients un passage au tout numérique, loin de là, mais je tente de leur faire prendre de nouveaux réflexes dans leur travail quotidien.
Parallèlement à mon site, qui sert plutôt de vitrine à mon entreprise, j’ai souhaité développer un blog où je poste régulièrement des articles sur les thèmes de la mode et des archives. D’une certaine façon, il me permet d’être plus accessible et de garder la fibre journalistique.
▪ De fil en Archive possède déjà quelques références. Pourriez-vous nous expliquer concrètement les enjeux des maisons de mode à numériser leur patrimoine ?
An+Ka, une marque de maroquinerie made in France, a été ma première cliente. Avec celle-ci, j’ai pu réellement élaborer mon concept et mon logiciel Cuscoll®, créé en interne et sur-mesure pour mon entreprise. Je souhaitais que ce logiciel soit très malléable et adaptable quelque soit le type de structure l’utilisant.
De fil en Archive arrive alors comme une prestation, plus ou moins étendue dans le temps selon les besoins des clients. Je peux leur apporter ce service de manière ponctuelle, ou encore de façon récurrente dès qu’ils ont besoin d’archiver dans l’année.
Ma société est véritablement à la carte mais le plus souvent ces maisons ont d’abord besoin que je fasse un état des lieux de l’existant, pour ainsi leur donner mes conseils en matière de conservation préventive. Puis, je leur propose plusieurs solutions : aménagement de la pièce où seront stockées les archives, choix des matériaux pour la conservation…
Ensuite, il s’agit aussi de défendre la propriété intellectuelle de ces maisons de mode dans une société où la contrefaçon est de plus en plus importante. Ma première cliente, An+Ka l’a d’ailleurs subi.
« La copie, l’usurpation lèsent la création et engendrent des coûts importants pour faire reconnaître la légitimité des créateurs. Pour se défendre, il faut avoir conservé de nombreux documents qui attestent de l’antériorité de leur savoir-faire. »
Enfin, au delà de la question de la préservation, se lancer dans une procédure de numérisation des collections permet également d’établir une base de données qui devient alors une ressource unique, un outil sérieux pour le travail de communication et de promotion de la structure. Les maisons de mode sortent au minimum deux collections par an, de ce fait un tel catalogage permet surtout de prendre du recul sur l’ensemble du travail de sa propre société et de former les nouveaux collaborateurs beaucoup plus rapidement.
▪ Mode, culture, et médias numériques semblent définir vos aspirations. Avez-vous des adresses coups de cœur à partager avec nos lecteurs ?
En ce qui concerne la mode, le Musée des Arts décoratifs est une de mes meilleures adresses. Ils ont bien sûr leurs grandes expositions annuelles mais présentent également de jeunes créateurs et de nouveaux talents. Evidemment, il y a eu la réouverture du Palais Galliera en septembre dernier, mais la démarche du musée Hors Les Murs pendant sa fermeture était très intéressante.
Une adresse plus gastronomique : le restaurant japonais Asia-Tee, rue de la montagne Sainte-Geneviève. On y mange très bien grâce au chef Kenji qui, en cas de faible affluence, répare d’anciennes montres mécaniques dans un petit coin – n’hésitez pas à apporter la vôtre si elle est cassée !
Au sujet des médias numériques, je suis assidûment le travail du site d’information culturel Louvre pour tous
, qui a une approche critique et analytique avec un vrai parti-pris.
Autant j’aime le numérique, autant je ne me passerai pas d’un bon livre papier. Ma librairie préférée s’appelle Librairie L’Usage du Monde, vers le métro Guy Môquet. Elle organise même régulièrement des rencontres avec divers écrivains.
Voici une expo enthousiasmante au double effet Kiss cool (ça existe encore ?) : elle met de bonne humeur et permet d’être tranquille au coeur des Galeries Lafayette…
Jean-Paul LESPAGNARD est un créateur belge, lauréat du festival de Hyères en 2008. Il présente à la Galerie des Galeries son univers décalé.
Artiste au sens large il offre ici une vision multi sensorielle de son travail : musique, bruitage de bourdonnement d’abeille, photos, illusions d’optique, plateaux de fruits de mer bijoux, décor mural… Son univers est baroque, les sens se répondent et donnent un grand sentiment de joie. Ses photos se lisent à la fois comme une vision du tourisme de masse (les photos souvenirs au Mexique), mais aussi comme une vision décalée et poétique, presque enfantine. Son déguisement d’abeille un peu grotesque sert ces niveaux de lecture. A travers ce prisme, les images deviennent ludiques et renvoient à son propre imaginaire.
Le spectateur se laisse guider et va de surprise en surprise avec une mise en abîme au travers des panneaux d’illusion, dans lesquels on passe sa tête pour changer de rôle. Sauf qu’il s’agit cette fois de la collection de vêtements, dont on devient mannequin malgré soi. La participation du visiteur est implicite. il passe au travers du décor.
Les vêtements ne sont pas dans la galerie, mais à l’entrée et dans les vitrines du rez-de-chaussée. Ils reprennent la garde-robe fantasmée pour partir en vacances dans les hôtels chics de la Riviera : vêtements fluides à impression géante de billets de banques, shorts porte gobelets, tailleurs graphiques, foulards hypnotiques. Till we drop est d’ailleurs le nom du défilé de septembre du créateur.
Jean-Paul LESPAGNARD apparaît comme un créateur touche à tout qui ne se prend pas au sérieux, et ça c’est jubilatoire.
Till we drop,
A voir jusqu’au 5 Avril 2014
Read MoreJean-Claude Ellena, le nez de la maison Hermès n’est pas seulement un très grand compositeur de parfums, c’est aussi un romancier. Il est le nez exclusif d’Hermès depuis 2004, où il a signé entre autre un Jardin en Méditerranée ou encore récemment Epice marine. Il est aussi l’auteur du mythique Eau de campagne de Sisley, irremplaçable…
Au-delà de son art, il a choisi de parler de son métier au travers deux livres : Journal d’un parfumeur et La Note verte paru cette année. Dans le premier on suit presque au jour le jour son travail de création, les correspondances qui se font, l’envers du décor en somme. Les recherches sur plusieurs mois pour réussir à rendre une idée, une sensation, une impression. Ce parcours passionnant est ponctué par des gifles olfactives, positives ou négatives, avec l’évolution d’une formule, la rencontre avec une nouvelle essence, un dosage à revoir jusqu’à atteindre la perfection.
Dans son roman La Note verte, même si on retrouve le quotidien du Nez, souvent mystérieux pour le grand public, il choisit aussi d’évoquer avec subtilité (trop parfois ?) la compétition entre créateurs, la direction que prendra un parfum, dictée trop souvent par un marketing qui nivelle et gomme pour coller à la tendance. Un peu amer, même si à l’opposé de la vindicte, cet opus raconte aussi la classification des odeurs, les bibliothèques olfactives personnelles et les formules qu’un professionnel doit retenir.
La force de ces deux ouvrages est de réussir à retranscrire les odeurs qui nous entourent, à nous faire voyager ou à nous redonner une sensation oubliée, une sorte de madeleine.
Read MoreUn petit tour dans ce salon, permet de comprendre les enjeux du numérique auprès des musées et mais aussi de leurs publics : conservation, numérisation (ah oui ?), mais aussi réalité augmentée ou portails collaboratifs, ce n’est que le début d’une grande révolution du partage des collections…
La conférence sur le portail des musées de Marseille est en une très belle illustration, un vrai complément à la visite, une grande ouverture aussi des conservateurs de cette ville.
Carrousel du Louvre du 28 au 30 janvier 2014
Read MoreSi vous êtes sensibles aux parfums Guerlain et au travail d’exception, il faut vite admirer l’exposition qui met à l’honneur les 160 ans du flacon aux abeilles.
Au premier étage de l’emblématique magasin du 68 avenue des Champs-Elysées, embelli par l’architecte Peter Marino, sont présentées neuf œuvres originales commandées pour cette manifestation. Marqueterie de paille, sculpture sur bois, plumasserie, verrerie, broderie au fil d’or, ébénisterie, maroquinerie, dorure, création graphique en gaufrage, autant de techniques incroyables qui racontent toute une histoire autour de ce flaconnage mythique.
Guerlain, parfumeur de l’impératrice Eugénie
Pierre-François-Pascal Guerlain, le fondateur de la maison éponyme, dédie son eau de Cologne à la future impératrice à l’occasion de son mariage avec Napoléon III. Il confie la réalisation du flacon à la Verrerie Pochet du Courval (c’est encore le cas aujourd’hui). Abeilles dorées à la main, inspiration de la colonne Vendôme, prouesse technique : tous ces éléments ont contribué à la renommée de ce modèle.
9 œuvres, 9 maîtres d’art
Ce titre donné aux artisans d’art de grand renom célèbre l’excellence, à l’instar des trésors vivants du Japon. Beaucoup des artisans sollicités ont déjà travaillé pour la maison Guerlain en particulier pour le nouvel agencement de la boutique. Ce qui est frappant ici, c’est d’abord la beauté des œuvres, mais aussi l’impression que chaque artiste s’est approprié le patrimoine Guerlain pour créer une histoire à la fois personnelle et reliée au parfum choisi.
Lison de Caune avec le Théâtre en marqueterie de paille et sa teinte bleu Empire fait une correspondance avec le parfum l’Heure bleue, qui en 1912 annonce les prémices des arts décoratifs.
Etienne Rayssac, sculpteur sur bois et ornemaniste joue avec l’Envolée sur la légèreté et la sensualité et renferme dans son flacon l’eau de Cologne des parfumeurs, aux notes vertes qui fait écho au bois de sycomore.
Emmanuel Barrois imagine la future impératrice avant le couronnement, se saisissant de son flacon et le renversant accidentellement, le parfum se solidifie dans le Trouble d’Eugénie. Ce maître d’art est capable de travailler sur une œuvre d’art comme sur la future canopée du forum des Halles…
Mon coup de cœur absolu va à l’œuvre de Nelly Saunier, plumassière, avec sa Cage aux oiseaux et aux abeilles. C’est en observant les lignes du flacon, qu’elle pense à l’armature d’une cage. Le travail de marqueterie de plumes (22 sortes différentes utilisées ! ) joue sur la gamme chromatique et la lumière qu’elle dégage. Le flacon est lové dans un nid de plumes de marabout et le parfum encapsulé est Shalimar.
Cette exposition qui aurait pu se voir comme un simple article de promotion, démontre au contraire un véritable parti pris, en donnant carte blanche à des artisans d’art exceptionnels. C’est une façon de jongler avec les codes, entre tradition et modernité sans renier la qualité Guerlain. Et puis perdre pied dans les jeux de miroirs et d’or de la boutique est une sensation surprenante et agréable.
Toutes les œuvres sont à vendre, vous êtes tenté ?
A visiter, le très beau tumblr de Guerlain : guerlain.tumblr.com pour des détails supplémentaires.
Guerlain 68 avenue des Champs Elysées, jusqu’au 17 février 2014
Read MorePour inaugurer sa réouverture, le palais Galliera, (dont il émane toujours une profonde impression de mélancolie) choisit de célébrer Azzedine Alaïa.
Un créateur qui aime les femmes
Il revendique le titre de couturier, pas par snobisme mais parce qu’il maîtrise toutes les étapes de la création du vêtement. Arrivé à Paris à la fin des années 50, il passe chez Christian Dior et chez Guy Laroche, mais s’inspire surtout des corps féminins.
Dans sa clientèle internationale, on compte entre autre Louise de Villemorin, Greta Garbo ou Arletty. Thierry Mugler, son ami l’encourage à créer ses propres collections.
Les codes Alaïa
Il ne cherche pas suivre le sacro-saint rythme des fashions weeks et rejette assez tôt (1988) le rythme effréné des défilés. Il préfère des présentations plus intimes et à son propre tempo, s’adressant surtout à sa clientèle plus qu’à la presse.
Roi des contrastes il mixte ses matières sans privilégier le luxe : cuir bien sûr, mais aussi coton, maille stretch ou laine bouille et textile moulé en forme. Les éléments techniques deviennent des ornements. Les œillets s’agglutinent, et les fermetures à glissières enlacent la silhouette. Les corsets se montrent et marque la taille. Le cuir se lace, se scarifie, se découpe. Les imprimés d’inspiration féline s’étirent et rendent les vêtements sauvages.
La silhouette s’adapte aux courbes mais avec un sens inné de la coupe, il s’agit avant tout de vivre avec ses robes librement et élégamment.
Déjà célébrer dans des expositions mêlant art et mode, il traverse la rue pour investir la salle Matisse du Musée d’art moderne de la ville de Paris. Un cadre flatteur pour mettre en valeur les robes monumentales et une série de trois pièces créées spécialement pour l’occasion.
L’expo ne me laisse pas une impression marquante en matière de scénographie, mais elle a le mérite de donner en filigrane les clés de ce couturier assez secret et particulièrement attachant. Les cartels (lisibles !) donnent la bonne proportion d’informations : ses souvenirs de religieuses en Tunisie qui ont influencé sa palette chromatique restreinte, son travail pour Tati. Sur ce point, c’est amusant de voir qu’à partir de son imprimé rose et blanc, des allez-retours incessants entre la mode et la rue créent des réinterprétations perpétuelles. On sent dans chaque vêtement son amour de la beauté féminine. Le vêtement est à son service et pas l’inverse !
Read MoreMettre en lumière le patrimoine unique des marques de luxe : des trésors à redécouvrir