Le 27 et le 28 Mars auront lieu en France et dans 13 pays européens les JEMA (journées européennes des métiers d’art). Sur un week-end, c’est l’occasion pour tous de se rendre compte concrètement de la diversité des initiatives et des entreprises dédiée aux métiers d’art et à leur excellence. Voir le travail technique est passionnant et beaucoup plus facile à comprendre qu’une description (c’est une ancienne étudiante du Louvre qui vous le dit, les cours de technique de création, c’est toute une histoire...)
Pour une fois pas de compte rendu d’expo (puisqu’elles n’ont pas commencées ou à peine). Pour savoir ce qui se passe près de chez vous il suffit de se rendre sur le site des JEMA. Il est très complet et permet de sélectionner le type de contenu vous intéressant : expo, ateliers, ou centres de formation. L’occasion par exemple de découvrir qu’à Lannion on peut voir des bains d’indigo ou qu’à Versailles, l’Atelier du mur fera des démonstrations de techniques de fresque ou encore que l’atelier de reliure millefeuille à Lyon préserve la santé des livres..
A cours d’idée ? Il y a des thématiques par circuits, par type de métiers rares, bref un choix considérable. Ca peut aussi être l’occasion de donner des idées à des ados qui auraient envie de découvrir des idées d’orientation peu connues.
Ce dispositif est renforcé par plusieurs manifestations en rapport avec les métiers d’art et leur vocabulaire.
A Paris, le Palais de Tokyo propose l’Usage des formes, une exposition qui regroupe des objets et des œuvres issues d’époques et de domaines variés : métiers d’art, arts plastiques, design et architecture. Il s’agit de s’intéresser à l’objet comme prolongement de la main : la fabrique, la forme de l’outil, le dessin en creux du corps humain, autant de pistes de réflexion.
Les arts décoratifs s’interrogent sur le devenir des objets d’arts avec l’exposition Mutations. Elle envisage le futur au travers d’un dialogue sur les pièces du musée et les objets du XXIe siècle. Les techniques d’hier se réinventent pour demain.
Enfin L’esprit et la main à la galerie des Gobelins, présentera une reconstitution des ateliers de restauration du mobilier national ainsi que des exemples de restaurations remarquables. Il s’agit d’immerger le visiteur dans tous les aspects de ces structures, avec les problématiques qui lui sont liées : restaurer le mobilier à caractère muséal ou à état d’usage. L’apprentissage est perpétuel et trouve son prolongement dans les formations dispensées par le mobilier national.
L’exposition tire pleinement parti de ce majestueux édifice.
la première partie de l’exposition explique les différentes missions du mobilier national, ainsi que ses obligations de d’entretien et de restauration. Les murs bleu crétois mettent en valeur les possessions anciennes et contemporaines. En effet les pièces de créateurs contemporains sont aussi présentées.
La deuxième partie de l’exposition s’articule autour des différents métiers de la restauration du mobilier national. Chaque atelier est présenté comme un comptoir vitré, avec ses matériaux des restaurations terminées mais aussi des restaurateurs en train de travailler. Bien sûr ils ne seront pas présents en permanence, mais pour certains d’entre eux, ils viendront le mercredi après-midi pour favoriser l’échange avec les enfants.
De grands plateaux permettent de toucher les matériaux utilisés par chaque métier.
En complément de cette exposition, une carte blanche est donnée au photographe Olivier Roller. Il s’intéresse à la tapisserie comme symbole de pouvoir et de prestige. Son installation occupe tout l’espace d’une pièce plongée dans le noir. Les photographiques, incroyables par leur définition, des morceaux de tapisseries, sont reliées comme un fil discontinue, caractéristique de ce type de réalisation. Les figures choisies sont puissantes, violentes et s’inscrivent dans la démarche du photographe pour définir la puissance et le pouvoir. Ce travail qu’il a commencé il y a plusieurs années en photographiant au plus près les puissants vivants mais aussi passés (comme les bustes d’empereurs). Ce fil brisé fait aussi penser par sa torsion a une représentation de l’ADN.
Ce week-end très particulier est une vraie chance de pouvoir rentrer dans les coulisses de la création et suscitera qui sait des vocations… JEMA 27 au 29 mars 2015 dans toute la France et en Europe
Usage des formes au Palais de Tokyo jusqu’au 17 Mai 2015
Mutations aux arts décoratifs jusqu’au 5 juillet 2015
L’esprit et la main à la Galerie des Gobelins jusqu’au 17 janvier 2016
Read MoreParis n’en finit pas de présenter des expositions innovantes en matière de mode. Après Jeanne Lanvin la semaine dernière, Olivier Saillard s’associe à la fondation Pierre Bergé Yves Saint Laurent pour revenir sur une collection particulière dans la vie de cette maison de couture.
En 1971, Yves Saint Laurent a ouvert sa maison depuis 10 ans. Il bouscule déjà régulièrement la mode avec par exemple le caban ou la saharienne hissés au rang de la couture. Sur cette collection du Printemps Eté 1971, il va plus loin. Il s’inspire directement de l’esthétique de la mode des années 40. On retrouve des détails caractéristiques : épaules carrées et larges, jupes au genou, chaussures aux semelles compensées.
Cette collection sera très mal perçue. Elle renvoie trop de mauvais souvenirs à ces contemporains. La population qui a vécu la guerre de 39-45 est la même qui observe cette mode. Le défilé (avec seulement 6 mannequins) provoqua une certaine aversion. Les journaux, en particulier en France et aux Etats Unis furent incendiaires. Et commercialement la collection se vendit très peu. Pourtant elle fut déterminante. Elle relia la haute couture à l’esthétique de la rue, elle abolit symboliquement la frontière entre les deux. Jusqu’à présent les deux entités étaient bien distinctes.
Même si elle peine à se vendre cette mode sera adoptée par nombres de jeunes filles qui recréent des silhouettes quarante en chinant aux puces.
J’ai eu un gros coup de cœur sur la scénographie. C’est Nathalie Crinière, agence NC qui l’a réalisé. L’espace en courbes et contres-courbes se décline en noir et blanc. Noir pour les photos, les installations vidéos et les vitrines, blanc pour les vêtements. En fait ça n’est pas exactement blanc, c’est quadrillé, comme les feuilles à petits carreaux utilisées par Yves Saint Laurent. Les murs ont été recouverts des planches de collection de cette saison précise. Il y avait en tout 84 modèles. L’exposition présente 28 pièces de ce défilé. Les vêtements sont disposés devant leur dessin, comme un puzzle inachevé ou un fil conducteur. Les échantillons de tissus liés aux modèles ont aussi été numérisés et l’effet est saisissant.
Deux installations d’écrans tactiles permettent de parcourir les coupures de presse ainsi que d’autres archives. C’est assez efficace pour capter l’attention du visiteur.
Au delà, de la collection, les documents présentés permettent de rendre compte des documents qui entourent la création d’une collection de haute-couture. On trouve bien sûr le croquis original mais aussi d’autres élements moins connus comme l’empreinte originale pour l’impression sur étoffe qui est la genèse d’un motif de tissu ou encore la fiche d’atelier, ou bible, puis les photos pendant le défilé, ou après qui constitueront des look books pour les clientes entre autre… Tous ces éléments montrent en filigrane la genèse du vêtement.
La fondation a édité un feuillet d’aide à la visite qui récapitule de manière très didactique l’intérêt de chaque document. Les films du défilé ou des journaux télévisés de l’époque permettent aussi de se rendre compte du vêtement en mouvement, porté et atténuent un peu à mon sens ce parfum de scandale. C’est à cette époque qu’Yves Saint Laurent rencontre Paloma Picasso qui aura une influence forte sur cette silhouette de 1971. Elle s’habille déjà aux Puces dans cet esprit des années 40.
« La haute couture ne sécrète plus que des nostalgies et des interdits. Comme une vieille dame. Je me moque que mes robes plissées ou drapées évoquent pour des gens cultivés la mode des années 1940. L’important c’est que les filles jeunes qui, elles, n’ont jamais connu cette mode, aient envie de les porter. » YSL
Ce qui est frappant lors de cette exposition c’est l’histoire qui est mise au service de la création d’Yves Saint Laurent. Beaucoup de codes maison sont représentés dans cette collection : les fleurs qui ornent un corsage, une boucle de chaussure, le tailleur pantalon comme vêtement du soir, la transparence, les broderies brillantes et complexes, le goût de l’antique sur les robes plissées inspirées du cratère des Niobides et la fourrure en particulier avec un boléro léopard. La liberté des années 70 est aussi très perceptible.
La fondation PBYSL donne ici un bel exemple d’une exposition sur une seule collection, fouillée et détaillée. Elle se laisse admirer. Le scandale paraît loin aujourd’hui, mais il a fait évoluer la haute couture. Les pièces présentées pourraient encore défiler sans être décalées.
Yves Saint Laurent, 1971 la collection du scandale Fondation PBYSL Jusqu’au 19 juillet 2015
Read MoreLe palais Galliera présente la première exposition consacrée à Jeanne Lanvin.Pour Olivier Saillard, le conservateur, il était évident de rendre hommage à cette talentueuse couturière. En collaboration avec Alber Elbaz (le créateur actuel de la maison Lanvin et ce depuis 14 ans) voici donc à Paris la première grande rétrospective avec quatre-vingt dix modèles mis en scène.
Il y a des expositions où l’espace ronronne, ça fonctionne sans être révolutionnaire (et ça n’est pas grave). Ici au contraire, les salles ont été repensées totalement par rapport aux précédentes expositions du musée : les années 50, Papier glacé, et Azzedine Alaïa.
En effet les deux grandes salles principales sont traitées en longueur, mais sans ennui. Le rythme est donné par les vitrines installées spécialement pour l’occasion quelque fois même en quinconce. Elles sont reprises des installations des boutiques Lanvin et sont particulièrement réussies : vitrines piano qui permettent de positionner les robes à plats et de les voir à la verticale, ou encore vitrines triptyques pour admirer chaque angle du vêtement sans se tordre le cou. Les fonds sont en miroir ou en parquet, ce qui donne une atmosphère à la fois rassurante et brillante, un peu comme l’esprit de la créatrice.
Certaines vitrines sont dépourvues de verre protecteur pour isoler le vêtement. C’est un parti-pris. Il s’avère après renseignement que les œuvres dans ces dispositifs sont moins fragiles et bénéficieront d’un dépoussiérage hebdomadaire. Espérons que les visiteurs seront respectueux.
La conception de l’exposition est traitée comme un condensé des codes maison de chez Lanvin. La naissance du logo, la palette des bleus, les inspirations ethniques, la broderie, les robe de style XVIIIe, le département enfant… Par petites touches juxtaposées le visiteur rentre dans l’univers de cette maison de couture. Les explications et cartels (descriptif d’oeuvre) sont précis mais n’accaparent pas l’attention. On se sent libre de papillonner, admirer une robe, revenir, s’informer. C’est en soi une grande liberté, car l’exposition est didactique mais vivante. Ce sentiment est très certainement lié à la collaboration d’Olivier Saillard, avec le créateur Alber Elbaz. Celui-ci a eu la grande intelligence d’intervenir dans l’esprit de la scénographie mais de laisser la vedette aux créations de Jeanne Lanvin. Elles sont vraiment le cœur de la visite. Une série de photos de l’atelier en 1937, issues du fond du photographe Roger Schall, retranscrit l’ambiance de cette maison de couture.
Laure Harivel, du service Patrimoine Lanvin, explique que la numérisation systématique du fond a permis l’identification de certaines pièces dans les collections de Galliera pendant la préparation de la rétrospective en concertation avec le musée. Dans les salles on retrouve un dispositif vidéo, agréable car assez grand qui présente des dessins de haute mode (chapeaux), ainsi que des dessins de créations accompagnés des échantillons correspondants.
Il faut noter qu’une application smartphone est disponible gratuitement en téléchargement et aussi directement dans le hall du musée. Elle reprend les principales sections de l’exposition avec contenu audio et écrit. Deux ou trois dessins ou photos par chapitre illustrent le propos. On retrouve aussi la biographie de Jeanne ainsi que quelques photos de famille et les liens vers les réseaux sociaux. Avant ou après la visite c’est un bon récapitulatif, véritable support de médiation.
Ce qui est frappant dans les créations de Jeanne Lanvin, c’est d’abord beaucoup d’élégance. Elle magnifie le corps des femmes et les invite dans son imaginaire. Les lignes sont fluides, elle aime la soie, le crêpe, le lamé. Beaucoup de noir et de blanc en complémentaires comme par exemple sur cette robe ayant appartenu à Alice Alleaume dont le plastron et les poignets sont en Rhodoïd blanc en pointe de diamant. la robe a été refaite par les ateliers pour l’exposition.
Les broderies de perles de toutes sortes sont des constantes qu’elle pose volontiers sur les poignets, en succession de bracelets, à la taille (toujours marquée), ou encore au col ou sur les épaules. La broderie peut aussi prendre la forme d’un nœud géant sur le devant d’une jupe ou couvrir délicatement l’ensemble d’une pièce si elle est vermiculée (fin et sinueux).
Pour éviter la copie et pour maitriser totalement sa création, Jeanne possède trois ateliers de broderie (1925) où elle fait réaliser ses échantillons qui sont conservés précieusement. Cette filière personnelle lui permet d’avoir un style en avance sur les autres couturiers.
Les robes de l’exposition universelle de 1925 ou les robes du soir présentent une profusion de broderies bijoux, d’une grande délicatesse qui magnifient et soulignent les formes. Elles sont souvent associées à des noms appartenant à l’univers antique.
Les nœuds symbolisent la relation fusionnelle qui la lie à sa fille Marguerite (future Marie-blanche de Polignac). Cette relation privilégiée se retrouve jusque dans le logo de la maison avec le dessin de Paul Iribé qui orne toujours la griffe de la maison, et le flacon Arpège boule noire et or d’Arnaud-Albert Rateau. Un rare exemples de poupées
La géométrie est un thème majeur sous forme de surpiqûres, de cercles, lignes, broderies carrées : tout est bon pour l’équilibre de la ligne. Un exemple superbe est la robe Phèdre de 1933 avec, dans la traîne, de grands carrés surpiqués et symétriques.
Il va de paire avec les inspirations ethniques (broderie orientale). Son répertoire iconographique mélange l’imaginaire colonial avec la Chine, le Japon, la Turquie et la Russie. Les broderies russes et dalmatiennes utilisent de petits morceaux de corail en contraste sur un fond bleu. Le bleu Lanvin est réputé pour avoir une infinité de nuances aux noms poétiques. Le vert absinthe et le rose poudré, doux et flatteur sont aussi utilisés. Pour encore une fois maîtriser ses matières premières, Jeanne Lanvin ouvre aussi un atelier de teinture à Nanterre.
Son goût des formes simples lui fait emprunter au registre militaire les broderies à brandebourgs et les cols montants.
Il ne faut pas oublier le goût de Jeanne Lanvin pour le Moyen-Age dont elle utilise souvent le vocabulaire stylistique ainsi que le XVIIIe siècle avec le modèle qui deviendra emblématique de robe pourvu d’un grand jupon bouffant.
Cette exposition devait répondre à un souhait d’Alber Elbaz, que les visiteurs sortent en ayant envie de dire « I love Jeanne Lanvin », pari largement réussi !
Jeanne Lanvin Palais Galliera jusqu’au 23 Août 2015.
Déboutonner la mode est la nouvelle grande exposition du musée de la mode et du textile. Enfant je pouvais passer des heures à jouer avec la boîte à boutons de ma maman. Tout retourner, les trier, par couleurs, formes, motifs, c’était un vrai trésor ! Entrer dans cette exposition c’est un peu retrouver ce plaisir, les explications en plus.
En 2012, le collectionneur Loïc Allio fait don de sa collection de boutons au musée. Véronique Belloir, commissaire de l’exposition et chargée des collections au musée Galliera raconte le travail minutieux qu’elle a réalisé avec son équipe et le photographe Patrick Gries pour organiser, classifier, répertorier.
« C’était un travail colossal » Véronique Belliard
Pour comprendre le bouton, l’exposition commence par une vitrine sur les matériaux utilisés. Si la nacre ou le bois sont connus de tous, le champ des possibles est immense, métal, papier, passementerie de soie mais aussi par exemple peau d’éléphant ou pain… Ces grandes boîtes qui font correspondre objets et boutons sont très esthétiques et didactiques.
Si la fonction du bouton est évidente, on apprend que son usage commence vraiment au XIIIe siècle. Le plus ancien spécimen de cette collection remonte au Ve siècle avant J-C et provient de la région de l’Ordos en Chine. Ici on comprend que le bouton au XVIIIe siècle et d’abord une histoire d’homme. Il orne le costume masculin et peut être la déclinaison du motif principal du tissu. Ame d’os, ou de bois il est recouvert de métal lamé et de passementerie.
Il devient aussi une manière d’afficher des penchants et des opinions avec des scènes miniatures. Le vêtement masculin est très codifié et à la fin du siècle, un habit comporte 18 boutons et seuls 2 ou 3 sont fonctionnels. Le bouton devient alors un objet de luxe d’orfèvrerie qui perd sa fonction première.
En 1808 les vêtements adoptent des proportions « à l’antique » et la passementerie en tresses et triple rang de boutons du Dolman (veste du folklore hongrois).
C’est avec cette mode que le bouton devient aussi un élément du vestiaire féminin. La robe dite redingote se porte avec un gros jupon de linon blanc. Les coupes et les tissus sont sobres. C’est un grand succès de la fin du XVIIIe siècle.
Pour la femme, d’ornement le bouton reprend une place fonctionnelle. Séparant sagement le vêtement symétriquement, il enferme chastement le corps, pour laisser la place à l’esprit, à la pensée selon les idées en vogue. De même pour l’homme le boutonnage prend le pas sur le bouton (différence subtile). Il continue néanmoins par sa position sur les gilets à dicter les codes de l’élégance. Brumell inspire ces nouveaux usages.
Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, ce courant touche tous les domaines : mobilier, bijoux, vêtements et… boutons. Les lignes deviennent sinueuses et les motifs sont stylisés. Le bouton devient tellement précieux qu’il devient alors un cadeaux à part entière, présenté par série dans des écrins comme pour un bijou.
1880, le corset est bien fermé. Les boutons prennent une autre dimension sociale, car ils sont boutonnés dans le dos. Difficile alors de s‘habiller seule… Le devant de l’habit reste sage. On trouve néanmoins quelques boutons dissimulés au niveau du col qui cache parfois des scènes érotiques.
Peu à peu, le bouton prend son envol. Trente mille personnes travaillent pour cette industrie. De véritables capitales industrielles se créent. Méru dans l’Oise travaille la nacre, Briare la céramique émaillée avec un procédé industriel innovant. Les vitrines présentent nombres de planches de boutons, un « tire bouton » utilisé pour les minuscules boutons de bottines, ainsi que de nombreux exemples de sous-vêtements.
La silhouette féminine évolue et l’ornement aussi. C’est l’apparition de minuscules boutons « en soutane ». Paul Poiret les place au cœur de ses créations. Pour illustrer cette période la scénographie utilise des tirages grandeur nature de photos en fond de vitrine qui se juxtaposent aux mannequins portant les vêtements, donnant une impression vivante sans artifice numérique.
La dernière salle du rez-de-chaussée est consacrée à Henri Hamm (1871-1961). Neuf cents pièces issues de son atelier sont présentées, se démultipliant dans les miroirs. Peints ou teints, sa production est variée et présente un goût marqué pour la couleur. Ces inspirations sont issues de la faune et de la flore. Cette multitude n’est en rien monotone grâce à des regroupements par couleurs, matières, formes…
Le second étage de l’exposition consacre la création du XXe siècle. Deux matières apparaissent : la Galalithe et le celluloïd, permettant d’obtenir de la brillance et une infinité de formes.
Les années 30 et 40 marque l’émergence des paruriers. Ces artisans se spécialisent : Rousselet travaille la perle, Lemarchand, le cuir et Scemama le bouton fantaisie. C’est aussi la période où la géométrie, la coupe et l’abstraction sont à l’honneur. Le bouton répond au tissu. Chez Vionnet on trouve de gros boutons boules et plats. C’est l’apogée de la simplicité des formes.
Ce qui est intéressant avec les boutons, c’est leur adaptation à la situation. Par exemple en 1925, les robes raccourcissent et la mode est aux bas de soie couleur chair. Les jarretelles sont amovibles et les petits boutons de nacre fantaisies se placent à cet endroit caché. L’exposition présente de ravissants exemples de visages peints sur de la soie.
En 1940, le bouton devient patriotique, il égaye les habits de l’occupation en étant parfois la seule touche de couleur. A la libération il devient un moyen d’exprimer ses convictions.
Ce célèbre parurier, descendant de Victor Hugo, est au cœur même de l’avant garde artistique et de la haute-couture. Il travaille avec Picasso, côtoie Arp, Matta, Ernst, Derain et Cocteau… De 1939 à 1955, il fabrique des boutons pour la haute-couture. Ses matériaux ne sont pas conventionnels. Il peut partir de fils électriques tordus, plissés, tressés, aplatis, mais aussi de cailloux sertis d’or.
Les grands couturiers lui font confiance, comme Christian Dior, Jacques Fath ou Gabrielle Chanel. Il développe une grande complicité avec Schiaparelli pour laquelle il utilisera des refusés de Chanel. Sa production est très variée et créative.
La dernière partie de l’exposition s’intéresse aux couturiers célèbres et à leur usage du bouton. C’est en effet pendant cette période que les paruriers font du bouton un pendant du vêtement, véritable bijou fantaisie unique.
Elsa Schiparelli puise son inspiration dans le surréalisme. Elle propose des défilés à thèmes comme l’astrologie, le cirque, les papillons. Elle envisage les boutons comme des détails précieux, surdimensionnés et décoratifs. Les boutons deviennent papillons, cigales mordorées ou coléoptères. Pour ce travail incroyable, c’est Jean Schlumberger qui réalise les idées d’Elsa. Il invente dans son atelier de joallerie boutons, broches, peignes. Il emploie de l’émail du métal, des perles de verre comme sur ce couple d’autruches à pendeloques.
Jean Clément travaille lui aussi pour Schiaparelli avec de la résine et de l’émail, produisant entre autre des formes d’objets ou d’instruments de musique. Christian Dior renouvelle ses formes de boutons à chaque nouvelle collection. Il travaille avec Roger Jean-Pierre et Francis Winter. La maison Gripoix produit les boutons de Chanel qui leur donnent une allure quasiment militaire. Pour Balenciaga, le boutonnage rythme le vêtement et les boutons sont ouvragés et plats.
Yves Saint Laurent leur accorde tellement de place qu’ils sont préfigurés sur les toiles des vêtements. La scénographie reproduit les plateaux de boutons qui étaient toujours disponible dans son studio de création.
Courrège avec ses silhouettes simples et graphiques choisit de simples pastilles de plastique.
Une dernière salle accentue cette proximité entre artiste et bouton d’art en présentant les travaux de nombreux artistes comme Sonia Delaunay ou Line Vautrin.
L’article est long mais l’exposition est fleuve. La scénographie donne une proximité plaisante avec les œuvres car les mannequins sont proches des vitrines, sans piedestal. Pas de lassitude car chaque section se renouvelle, alternant des séries de photos, des boutons bien sûr, mais aussi des univers propres aux paruriers ou aux créateurs. A noter un effort important sur la taille des cartels et les numéros auxquels ils se réfèrent. L’obscurité est de mise et rend l’ensemble solennel.
Deboutonner la mode
Musée de la mode et du textile
jusqu’au 19 juillet 2015
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Quelquefois quand on a une petite structure d’entreprise, même avec beaucoup de bonne volonté, on a besoin de changer de cadre pour travailler. Ce n’est pas nouveau, et c’est même plutôt une vraie tendance à l’heure actuelle. Une multitude d’espaces de coworking s’ouvrent. J’avais testé l’année dernière Soleilles cowork , créé par des Essec au féminin, dans le quartier de la Bourse. Un bel espace coloré qui organise des conférences et crée une petite communauté. Cependant je m’aperçois qu’un tel lieu, s’il n’est pas très proche de chez soi, n’est pas un réflexe.
Et c’est là qu’une sympathique équipe vient de trouver une solution : l’ouverture de Be Coworking, dans le quartier des Epinettes, à Paris !
BeCoworking a investi les anciens bureaux d’une agence de pub. Le résultat est superbe : 120 postes de travail divisés en places fixes, flexibles et même à l’heure. Salles de réunions, espace détente, cuisine et une plage en sous-sol ! si, si ! Une salle permet même d’accueillir une compagnie de danse ou de théâtre, une autre peut servir de studio photo, et d’autres encore deviendront des studios d’enregistrement.
Mobilier et couleurs scandinaves, atmosphère qui rappelle celle la boutique Merci : de quoi travailler dans de vraies bonnes conditions. L’espace a été aménagé par Sarra Mami pour l’architecture et Zoé de la Cases pour l’agencement. Eh oui, c’est plus agréable de taper sur son ordinateur dans une ambiance de magazine déco.
Le lieu est tout neuf, mais se promet de créer un véritable écosystème. Mettre en relation les co workers, étudiants, free-lances, artistes qui se retrouvent ici, s’insérer dans un véritable réseau social de quartier, proposer des conférences, bref créer de la vie.
Tous les renseignements sont à retrouver sur leur site. Et si vous passez rue de la Jonquière, une seule chose à faire : entrer ! Be coworking 60 rue de la Jonquière 75017 Paris
Read MoreAu musée d’art moderne de Paris se tient une exposition immanquable sur l’œuvre de Sonia Delaunay. Plus de 400 œuvres qui illustrent sa carrière entière. L’exposition met en place un parcours chronologique qui permet de s’immerger dans son œuvre.
Sonia Delaunay est russe et cette dimension fait partie intégrante de son art.
L’importance des fauves et de Gauguin dans certains tableaux est très forte avec déjà des aplats de couleurs. On admire aussi de très beaux portraits dont les seuls rehauts sont donnés par du blanc en petit touche, non sans rappeler des influences très classiques de Dürer.
A partir de 1912, c’est le début de l’abstraction et l’œuvre de Sonia Delaunay se décline alors sur une multitude de supports. Elle expérimente librement le tissu, inclue la poésie dans ses toiles ou travail pour la publicité. Un très bel exemple de cette recherche est la couverture de berceau de son fils Charles, patchwork de tissus satinés dans lequel on peut imaginer une tour Eiffel. Le coffre à jouet reprend aussi cette abstraction colorée. Cette diversité correspond à l’envie de coller avec l’esprit du temps.
Le couple aime la danse, et s’intéresse aux nouveautés latines, comme le tango. Il faut regarder le bal Bullier de près puis de loin pour voir apparaître les couples enlacés, les globes électriques irradiants la lumière. C’est aussi le moment ou Sonia crée des vêtements simultanés, gilet pour Robert Delaunay et robe pour elle, une manière de promouvoir leur art directement vers les autres lors de leurs sorties. En 1918, le couple crée pour Diaghilev et les ballets russes les costumes et décors de Cléopâtre. C’est un succès. Le vêtement et le costume font partis intégralement de l’œuvre de Sonia Delaunay.
(Malheureusement pas de reproductions autorisées, il faudra se rendre sur place)
1921 marque le retour définitif des Delaunay à Paris. C’est aussi le début de la maison de couture. Dans son appartement atelier, l’artiste crée des vêtements, des motifs de tissus, fait broder et tricoter des pièces par des ouvrières russes.
Les codes graphiques des arts décoratifs explosent : chevrons, escaliers, lignes brisées. Comme à son habitude la créatrice expérimente les matériaux et les techniques : tenues de plages, manteaux en laine aux teintes dégradées, ravissantes chaussures au point hongrois… La salle des tissus est impressionnante de diversité, de couleurs bien sûr et de modernité. Sonia Delaunay avait fait un don conséquent en 1977 de ses échantillons de tissus et archives photographiques à la Bibliothèque national de France, ainsi qu’au musée de l’impression sur étoffe de Mulhouse.
Les œuvres présentées au musée d’art moderne sont représentatives de la diversité des expériences de l’artiste. C’est l’occasion de voir aussi les trois grands décors muraux du Palais de l’Air de l’exposition internationale des arts et techniques, présentés pour la première fois à Paris depuis 1937. Ces très grands panneaux nous immergent dans une sensation jubilatoire de démesure et de vitesse. Conçue sur les plans de Félix Aublet, la coupole du Palais de l’Air, entièrement transparente, permet au visiteur d’apercevoir de l’extérieur, de jour comme de nuit, les orbes en Rhodoïd colorés et la spirale de la passerelle intérieure entourant un avion en suspension.
Salles grises ou blanches, malgré l’importance des visiteurs le parcours est assez fluide. Certaines vitrines basses font offices de séparation d’une pièce à l’autre, permettant de revenir sur certains sujets.
Après la mort de Robert Delaunay en 1941, son épouse réinvente encore un langage, une autre abstraction et pousse ces expériences de couleurs en changeant d’effets. L’utilisation de la gouache donne un aspect brut à ses compositions.
Cette exposition retrace magnifiquement le caractère ouvert et polymorphe de cette artiste, fascinée par la couleur et qui en véritable touche à tout, sait se renouveler tout au long de sa vie.
Musée d’art moderne de la ville de Paris Jusqu’au 22 Février Présentée à la Tate Modern de Londres du 15 avril au 9 août 2015. A noter le flipbook pour voir les oeuvres de chez soi ainsi que la reconstitution du Palais de l’air :
Read MoreMettre en lumière le patrimoine unique des marques de luxe : des trésors à redécouvrir