[Livre] L’histoire de la haute couture

Posted the 02 Jun 2015 in 02 Jun 2015 in Billets

Lors d’une séance du Séminaire de l’histoire de la mode, j’ai eu la possibilité d’écouter Guénolée Milleret. Elle a travaillé comme archiviste chez Yves Saint Laurent et se consacre maintenant à la transmission, en donnant des cours, et à la recherche, en écrivant des livres. Elle est aussi une collectionneuse passionnée de mode.

Son dernier opus vient d’être publié. Il a pour thème la haute couture. Encore un livre sur la couture ? Pourriez-vous me rétorquer. Oui, mais pas uniquement. Dans son ouvrage, on trouve vraiment des informations et pas seulement des jolies photos. Divisé en grandes périodes, jusqu’en 2015, ce livre retrace la naissance de la couture qui s’appuie sur le savoir-faire qui l’a précédée. On découvre que  les ouvrières luttent dès 1675 pour se faire reconnaître comme corporation indépendamment des tailleurs. On apprend de nouvelles expressions comme les “lapins de couloir”, le rôle des merciers du Palais Royal, ou la personnalité de la fameuse Rose Bertin qui devient marchande de mode à la fin du 18e siècle.

Si Worth est bien connu pour son rôle dans l’élaboration même de la couture, l’auteur raconte la manière dont il a remis à la mode les motifs un peu oubliés des soyeux lyonnais, réveillant ainsi les industries textiles. Etre mannequin était alors un métier assez ingrat, loin de l’image glamour des années 90.

L’arrivée des femmes

L’auteur propose un portrait croisé de Jeanne Lanvin et de Gabrielle Chanel, deux femmes avec deux manières différentes de faire grandir leur maison de couture. La chambre syndicale, l’avènement des défilés dont le nombre de modèles est très encadré, le rôle de Lucien Lelong, les règles régissant ce métier, tout est passant en revue. Même le comportement des petites mains quand elles partent en vacances organisées par Mademoiselle Chanel.

 ©Patrimoine Lanvin

©Patrimoine Lanvin

Lors de ces recherches, Guénolée Milleret a fait une jolie découverte en retrouvant des négatifs non développés dans un fond photographique (Eugène Kammerman). Ces  photographies inédites donnent une autre vision, du premier défilé de Christian Dior en 1947 : une ambiance très calme, ainsi que des photos du backstage et des petites mains.

Le fléau de la contrefaçon est abordé et se pose déjà, bien avant la mondialisation.

Premier défilé Dior 1947 ©Eugène Kammerman/Rapho

Premier défilé Dior 1947 ©Eugène Kammerman/Rapho

 

De 1960 à 2015, la haute couture en question

 

La disparition progressive des maisons de couture, et l’avènement du prêt à porter pose régulièrement le problème de la persistance de cette industrie. Le livre fait le point sur les licences, les parfums, mais aussi le renouveau (encore) des métiers d’art et l’apparition de nouveaux talents comme Christian Lacroix. C’est aussi comprendre que  l’image de marque s’est quelquefois perdue dans les nombreuses licences (Cardin) et enfin la prise de conscience des maisons à changer de modèle et à se fédérer pour être plus solides.

 

Une dernière partie est consacrée au 21e siècle, aux rôles des grands groupes financiers et aux innovations. Chanel a par exemple racheté des entreprises de métiers d’art qui auraient disparu faute d’argent. Un défilé leur est dédié chaque année par la maison de couture, avec une inspiration fondée sur un pays et un lieu nouveau à chaque fois (par exemple l’Autriche en 2014). Les règles de la chambre syndicale ont évolué pour admettre une catégorie d’invités parmi les jeunes maisons. Aujourd’hui les maisons de mode sont obligées de prendre en compte l’aspect entrepreneurial de l’activité. Alexis Mabille ou Iris Van Herpen sont des exemples de réussites contemporaines.

©Pierro Biason -Alexis Mabille

©Pierro Biason -Alexis Mabille

« La haute couture ne s’enferme dans aucun postulat. Tradition et innovation reste les deux mots de la haute couture » G. Milleret

Le label haute couture reste synonyme d’excellence et la liberté de style est fondamentale.

Ce livre est riche et permet aux novices comme aux plus experts de mieux comprendre ce secteur adoré et décrié (et ça n’est pas spécifique à notre époque).

Haute couture de Guénolée Milleret, éditions Eyrolles

Photo à la une : Fourreau du soir en crêpe romain plissé, Grès, vers 1979. ©Photo Marc Tomasi pour l’étude Thierry de Maigret, Paris

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